Question orale de Mme Sobry à Mme Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes, sur « l’installation des médecins généralistes dans les zones rurales ».
Mme Sobry (MR). – Madame la Ministre, malgré les trois volets des aides Impulseo, qui s’avèrent être des incitants financiers visant à encourager les jeunes praticiens qui débutent à s’installer dans les communes en pénurie de médecins et qui ont par ailleurs des effets assez positifs, certaines zones rurales manquent encore cruellement de médecins généralistes.
Nous constatons donc que ce qui a déjà été mis en œuvre n’est malheureusement pas suffisant pour combler la pénurie de médecins dans certaines zones. On constate aussi que les demandes des aides Impulseo sont en augmentation. Ainsi, à Bruxelles, par exemple, il s’avère que le budget ne permettra pas de satisfaire toutes les demandes d’aide formulées.
Pouvez-vous m’indiquer ce qu’il en est au niveau de la Région wallonne à ce propos ? Plus concrètement, le budget wallon sera-t-il capable de prendre en charge toutes les demandes d’aide qui se manifesteront ?
D’autre part, quels autres incitants pouvez-vous envisager de mettre en place afin de favoriser l’installation de généralistes dans les zones rurales et ainsi combler un peu plus la pénurie qui pose problème ?
Mme Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. – Madame la Députée, la question de l’installation de médecins généralistes dans les zones rurales fait partie d’un projet global du Gouvernement wallon décliné en plusieurs objectifs dans la Déclaration de politique régionale. Il s’agit entre autres de répondre aux défis que sont l’accès à la santé pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire wallon et la liberté de choix du patient.
À cet égard, le Gouvernement s’est engagé à mener en Wallonie une politique de santé articulée entre les secteurs d’aide et de soutien sociaux et des soins. Il renforcera et encadrera l’offre de première ligne d’aide et de soins en favorisant le développement des pratiques multidisciplinaires de première ligne dans les communes wallonnes, ainsi que l’installation des maisons médicales, c’est-à-dire associations de santé intégrée, et des médecins généralistes en priorité dans les zones en pénurie, notamment les zones rurales ainsi que dans les zones où les indicateurs d’inégalités sont très élevés. Ce n’est pas toujours l’ensemble des communes rurales, mais parfois aussi les périphéries des villes.
En outre, pour répondre à votre préoccupation quant à l’efficience du dispositif Impulseo mis en place, je vous rappelle que le Gouvernement s’est également engagé à améliorer les dispositifs d’attractivité pour l’installation en zones de pénurie de métiers de première ligne, notamment les médecins généralistes, les dentistes et les infirmières et infirmiers. Dans cette perspective, une évaluation du nouveau dispositif Impulseo sera réalisée et, le cas échéant, les aides seront adaptées.
Dans l’intervalle, selon les indicateurs fournis par l’AViQ, je peux vous dire que l’évaluation de ce dispositif est complexe, notamment parce que la période de validité des listes des communes en pénurie établies sur la base des données arrêtées au 31 décembre de chaque année se chevauche sur une période de sept mois : du 1er juin de l’année N au 31 décembre de l’année N+1.
Les médecins qui désirent demander une prime peuvent se référer à une des deux listes afin de vérifier si la commune dans laquelle ils désirent s’installer est en pénurie. De plus, les médecins peuvent demander la prime pendant les cinq années qui suivent leur installation. Selon l’année d’installation, et pour une même année d’introduction d’un dossier, il existe donc plusieurs listes de communes en pénurie auxquelles faire référence. Il faudrait donc un recul d’au moins cinq ans pour avoir une idée pertinente de l’évolution du dispositif depuis son application des nouveaux critères définis par la Région.
En effet, ce n’est que depuis 2016 que la Wallonie dispose d’un cadastre des médecins généralistes actifs en médecine générale. Ce cadastre, réalisé avec l’aide des présidents des cercles de médecins généralistes, permet de déterminer quelles sont les communes wallonnes où il existe réellement une pénurie de médecins généralistes. C’est sur la base de cette liste que les primes Impulseo sont accordées aux médecins qui s’installent dans une de ces communes et qui introduisent un dossier pour bénéficier de cette prime à l’installation.
Le cadastre est actualisé chaque année depuis 2016 en mettant à jour la liste des médecins actifs par commune. Sont inclus dans les données de ce cadastre tous les médecins généralistes, quel que soit leur âge, dont le numéro d’agrément INAMI se termine par 003 ou 004 et qui déclarent pratiquer la médecine générale sur le territoire wallon – donc les médecins généralistes actifs. Selon les données récoltées auprès des cercles de médecins généralistes, il y avait, au 31 décembre 2018, 3 507 médecins généralistes actifs en Wallonie. Ils étaient 3 460 en 2017 et 3 467 en 2016. Pour l’année 2018, 149 communes wallonnes sont en pénurie de médecins généralistes, parmi lesquelles 53 sont en pénurie sévère. Parmi ces 149 communes, 134 sont en pénurie depuis 2016, trois le sont depuis 2017 et 12 le sont depuis 2018. Parmi les 53 communes en pénurie grave, 43 le sont depuis 2016, cinq depuis 2017 et cinq le sont devenues en 2018. Pour les 12 nouvelles communes en pénurie en 2018, la cause de la baisse de densité est, pour deux communes, l’augmentation de la population sans installation de nouveaux médecins et pour 10 communes le fait que 17 médecins ont cessé d’y exercer sans qu’ils soient suffisamment remplacés puisqu’on ne comptait, en 2018, que cinq nouvelles installations dans quatre des communes que j’évoque. Les causes de cessations d’activités sont :
– le départ à la pension, en l’occurrence ici pour huit médecins ;
– un décès ;
– un arrêt maladie de longue durée ;
– une réorientation de carrière professionnelle pour deux d’entre eux ;
– un déménagement pour cinq d’entre eux.
Pourtant, comme vous le signalez, le dispositif rencontre de plus en plus de succès et vous comprendrez, dès lors, à l’analyse de ce qui précède, que l’octroi d’incitants financiers est un levier, mais qu’il n’est pas le seul à activer pour maintenir une activité de médecine générale en suffisance dans les zones en pénurie.
Un autre aspect important dont il faut tenir compte, c’est le vieillissement de la population des médecins combiné au non-remplacement en suffisance des médecins qui prennent leur pension ou optent pour une réorientation professionnelle. C’est pourquoi d’autres projets, qui ne sont pas clairement dédiés à faciliter l’implantation de médecins en zone de pénurie, répondent toutefois à une demande des praticiens pour éviter le surmenage et des cessations d’activité précoces, ce qui serait un facteur aggravant de pénurie. J’évoquerai ici le soutien du Gouvernement au développement de nouvelles associations de santé intégrée et l’accès, pour ces opérateurs, au Fonds européen agricole pour le développement rural, qu’on appelle FEADER. En 2019, quatre nouvelles structures ont reçu l’agrément d’associations de santé intégrée, portant à 82 le total de ces opérateurs. De plus, 19 associations de santé intégrée ont été sélectionnées pour recevoir une intervention FEADER afin de réaliser leur projet d’investissement en infrastructure et en équipement.
Je voudrais également mettre en exergue le projet de formation et de sensibilisation des professionnels de la santé aux outils e-Santé en Wallonie. Depuis 2015, une subvention a été accordée au forum des Associations de généralistes de Région wallonne pour le soutien au développement de l’échange de données électroniques de santé, plus particulièrement pour les formations à l’utilisation de l’e-Santé. Les accords médicomutualistes 2016-2017 et 2018-2019 ont prolongé la mesure.
La conférence interministérielle de la Santé publique a décidé de prolonger jusqu’en 2020 le cofinancement de l’INAMI et des entités fédérées de la même façon que les années précédentes. L’INAMI et la Région wallonne cofinancent ainsi le projet à concurrence d’un montant total de 512 000 euros, dont 210 000 euros à charge de l’INAMI et 302 000 euros pour la Région. Une convention INAMI, Région wallonne et opérateur, précise les modalités de mise en œuvre du projet. En 2019, le subventionnement a été accordé à l’ASBL Plateforme de première ligne wallonne qui vient d’être constituée et qui a repris le projet de la Fédération de l’association de généralistes de Wallonie, dont je vous passe l’acronyme. Rien que pour l’année 2019, 96 formations ont été organisées pour un total de 3 909 participants.
En outre, suite aux formations e-Santé Wallonie, l’application sur le terrain suscite des questions et/ou des soucis lors de son utilisation. Un helpdesk a donc été mis à disposition des prestataires pour répondre à leurs questions, par exemple, la question du renouvellement d’un certificat e-Health, la prescription électronique, l’accès et l’utilisation d’e-Santé aux PMG, et cetera. En 2019, au 31 octobre, puisque ce sont les dernières dates de référence, 569 interventions ont été recensées contre 410 en 2018, 231 en 2017, et 50 en 2016. Il s’agit principalement d’un accompagnement individualisé à distance, à la demande du prestataire de soins.
Dans un autre registre, un groupe de recherche interuniversitaire, ACE-ULiège, a réalisé une recherche action baptisée CoMInG, pour Collaboration médecin infirmier généralistes, visant à mettre en évidence les paramètres qui permettront d’optimaliser la collaboration médecins généralistes et infirmiers. L’idée était d’identifier les besoins sur le terrain, de tester les modèles de collaboration dans différents contextes et d’évaluer et ajuster les solutions potentielles, par le biais d’un processus participatif. Le rapport final établi en mars dernier, qui répertorie les éléments nécessaires à l’implémentation d’un dispositif soutenant la collaboration médecins – infirmiers généralistes, est actuellement analysé par mes collaborateurs.
En tout état de cause, les aides à l’installation ainsi que les autres leviers pour les professions de santé en pénurie seront discutés avec le secteur lors des assises de la première ligne que je compte mettre en place au premier trimestre 2020.
Enfin, en ce qui concerne le budget spécifiquement dédié à la mesure Impulseo, je peux vous rassurer sur le fait que malgré le succès grandissant de la mesure, le Gouvernement a établi un budget permettant de rencontrer toutes les demandes d’intervention qui émaneraient des médecins généralistes et que nous ne sommes pas dans la même situation que la Région de Bruxelles-Capitale.
Voilà une réponse qui était longue, qui méritait cependant d’être recontextualisée puisque effectivement, comme cela a été évoqué dans le cadre de ma réponse, cela ne se limite pas uniquement aux aides pour essayer d’amener des médecins généralistes dans l’ensemble des zones. Pourtant, comme on le voit, c’est un véritable enjeu de santé et d’accessibilité.