Question orale de Mme Sobry à Mme Désir, Ministre de l’Education sur “La lutte contre le harcèlement scolaire”
Mme Sobry (MR). – À la fin du mois de janvier, la jeune Maëlle, qui était âgée d’à peine 15 ans et qui était en deuxième année secondaire à l’École Saint-Joseph de Jumet, a mis fin à ses jours dans un contexte présumé de harcèlement scolaire. Pourtant, la direction de l’école avait pris une série de mesures pour aborder les problèmes de harcèlement, comme les ateliers et les cercles de parole. Cet événement fait suite à de nombreux autres faits de harcèlement survenus dans plusieurs établissements scolaires. Le harcèlement scolaire est un véritable fléau qui nécessite la mise en œuvre de mesures.
Une circulaire vise à lutter contre le harcèlement et le cyber–harcèlement scolaire. Elle prévoit des appels à projets pour l’année 2019-2020. Cette circulaire décrit trois axes de travail, non cumulatifs, afin d’instaurer des dispositifs concrets de prévention et de prise en charge de la problématique. Le premier axe offre la possibilité d’organiser la formation des élèves de primaire et de secondaire à la médiation par les pairs, à travers un soutien financier de maximum 3 000 euros. Le deuxième axe vise à soutenir, dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire, les activités de sensibilisation ou de prévention, à travers un soutien financier de maximum 1 500 euros. Le troisième axe concerne le soutien à la mobilisation des élèves de l’enseignement secondaire, grâce à un soutien financier de maximum 1 000 euros.
Madame la Ministre, combien d’écoles ont–elles répondu positivement à ces appels à projets? Que prévoyez-vous à l’avenir pour lutter encore plus efficacement contre tous les types de harcèlement scolaire? Quelles mesures comptez-vous prendre à la suite de l’événement dramatique survenu à la fin du mois de janvier?
Mme Désir, Ministre de l’Éducation. – Mesdames et Monsieur les Députés, à la suite du suicide tragique de la jeune Maëlle, j’ai eu l’occasion de m’exprimer à diverses reprises dans les médias au sujet du harcèlement et du cyber–harcèlement à l’école, qui constitue un problème public dont la portée est aujourd’hui largement reconnue en Fédération Wallonie–Bruxelles et qui fait l’objet de la plus grande attention de la part du gouvernement. Les adolescents sont nombreux aujourd’hui à y être confrontés et les caractéristiques propres à ce phénomène d’ampleur appellent une réponse urgente et adaptée. Mon intention est de poursuivre les travaux afin que plus aucun élève ne soit victime de harcèlement et que tous sachent où aller chercher du soutien. Le Jeu des trois figures, Madame Maison, fait partie des outils recommandés et a été revisité dans le cadre d’un nouveau dispositif intitulé «Les ateliers de la pensée joueuse», dans le cadre duquel une formation de trois jours peut être proposée aux enseignants désireux de se familiariser avec cet outil. Cet atelier a d’ailleurs été repris dans le cadre des activités proposées au sein du cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté (EPC).
Concernant l’application Cyber–Help, fruit d’une collaboration entre la ville de Mons et son université, je dois rencontrer très prochainement ses concepteurs. Je ne dispose pas, à ce jour, de leur rapport d’évaluation, mais cette application semble très intéressante. S’il est encore trop tôt pour vous donner une réponse complète quant à sa généralisation dans les écoles, je peux déjà vous dire que pour qu’un élève puisse s’inscrire, il faut que son école participe à l’entièreté du projet. Il faut notamment désigner un référent numérique chargé de gérer, dans l’établissement, une plainte ou une capture d’écran. Je reconnais que le numéro vert n’est plus adapté aux pratiques des enfants et des adolescents, même s’il a encore son utilité à l’égard des enseignants, des éducateurs ou des parents. L’application, quant à elle, correspond aux avancées technologiques actuelles. Je compte donc me rendre prochainement à Mons pour assister à une présentation de l’outil. Pour répondre à la question sur l’activation d’autres leviers que l’initiative «Sors de ta bulle», ils sont repris dans la circulaire n° 7097, intitulée «(Cyber) harcèlement et violence scolaire». À la suite de la diffusion de cette circulaire, 231 établissements scolaires ont déposé un projet, 155 dossiers se sont avérés complets et ont été pris en compte pour l’analyse des demandes et 120 projets ont été subventionnés. Les écoles porteuses de projets doivent rentrer leurs évaluations pour le 31 août 2020. Un grand nombre de pratiques efficaces sont mises en place dans les établissements scolaires, avec l’assistance de services d’aide en milieu ouvert (AMO), dont certains ont développé des outils de prévention destinés aux élèves, ou d’ASBL spécialisées dans l’éducation aux médias.
Il existe de nombreux projets et initiatives dans les établissements. Les ressources pédagogiques et les façons de se renseigner sur le phénomène du harcèlement ou du cyberharcèlement sont légion. La multiplicité des initiatives rend tout cela assez peu lisible. Il suffit de chercher «cyberharcèlement scolaire» sur l’internet et une masse d’informations défilent. Un des défis majeurs est donc de mieux structurer les dispositifs et d’y mettre de la cohérence, en commençant par briser les tabous: il faut parler du harcèlement et permettre aux victimes de sortir du silence, ce qui est compliqué, car elles sont dans un rapport de domination. Nous devons former le personnel éducatif, c’est-à-dire les enseignants, les éducateurs et le personnel des centres psycho-médico-sociaux (PMS) aux diverses facettes du phénomène. Ils doivent comprendre ce qu’est le harcèlement et le cyberharcèlement et être formés à des techniques d’intervention. Diverses formations sont organisées à l’Institut de la formation en cours de carrière (IFC) et rencontrent un certain succès, mais elles pourraient être renforcées. Le deuxième volet consiste en la prévention, qu’il convient d’instaurer dans le cursus de chaque élève. Il faut former les jeunes à l’usage des réseaux sociaux et leur permettre de bien identifier une situation de harcèlement. Il faut aussi leur apprendre à réagir en tant que victime ou témoin. Le cyberharcèlement échappe en grande partie au regard des adultes. Les témoins, adolescents ou enfants, ont donc un rôle important à jouer dans la détection de ces situations.
Ensuite, nous pouvons ancrer la lutte contre les phénomènes de harcèlement et de cyberharcèlement dans les plans de pilotage. Étant donné que leur rédaction est en cours dans 2 500 écoles, il ne faut pas louper le coche. Je me réjouis de constater que 95 % des établissements s’inscrivent dans l’objectif général de la Fédération WallonieBruxelles, qui est d’accroître les indices de bienêtre à l’école et d’améliorer le climat scolaire. La lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement entre forcément dans cet objectif général et il sera intéressant de faire le point sur les actions proposées par les établissements qui ont fait ce choix. Enfin, une chaîne d’intervention est indispensable dans les écoles lors d’un cas de harcèlement avéré. Nous recevons encore trop de témoignages d’élèves qui nous disent en avoir parlé sans qu’il y ait eu de réaction. Pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, le fait que, malheureusement, des élèves échappent encore au maillage des dispositifs est difficile à assumer. Vous aurez compris que ce sujet me préoccupe. Il est primordial de bien structurer notre intervention afin que plus aucun élève ne puisse échapper aux dispositifs mis en place.