Question orale de Mme Sobry à Mme Désir, Ministre de l’Education sur ” Les devoirs à domicile”
Mme Rachel Sobry (MR). – J’ai récemment lu dans la presse que la Ligue des droits de l’enfant se positionne contre toute forme de devoir à domicile. Ces derniers sont pourtant déjà bien encadrés et réglementés par l’article 78, § 4 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre (décret «Missions») et par la circulaire° 108 du 13 mai 2002 ayant pour objet la régulation des travaux à domicile dans l’enseignement fondamental. Ainsi, les devoirs doivent pouvoir être réalisés sans l’aide d’un adulte et avec les documents nécessaires mis à la disposition des élèves. Ils doivent être pensés dans le prolongement des apprentissages, être individualisés et avoir un caractère formatif. Le décret prévoit, en outre, une durée maximale des travaux en fonction des cycles. Les travaux à domicile sont interdits en maternelle. Ils le sont aussi en première et deuxième années primaires, à l’exception d’exercices d’entraînement à la lecture et/ou à l’écriture. Ils sont autorisés avec un maximum de 20 minutes par jour en troisième et quatrième années primaires et un maximum de 30 minutes par jour en cinquième et sixième années primaires.
Je suis persuadée que les devoirs ont un rôle important à jouer dans le cadre de l’apprentissage de l’enfant. Outre le fait qu’ils permettent de voir si la matière est acquise ou non, ils offrent aux parents la possibilité de suivre l’évolution de leur enfant tout en favorisant les relations écoles–familles. Ils permettent aussi aux professeurs de procéder à une éventuelle remédiation si la matière n’est pas acquise, ce qui ne peut à mon sens avoir qu’un impact positif sur l’apprentissage.
Madame la Ministre, quel est votre point de vue sur l’utilité des devoirs à domicile?
Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – Mesdames les Députées, le travail scolaire à domicile a déjà fait couler beaucoup d’encre. Cette thématique retient toute mon attention. De nombreux points importants sont évoqués dans vos questions. Madame Sobry, je suis d’accord avec vous: les devoirs constituent un moyen pour certains parents de suivre la scolarité de leurs enfants, de jauger leur évolution et de créer un lien avec l’école. Il n’en reste pas moins, parce que les devoirs se déroulent à la maison grâce à l’aide d’un parent, ou avec un tiers, qu’ils entraînent et renforcent les inégalités. Les parents ne sont pas tous armés de la même manière pour répondre aux exigences scolaires. Tous les enfants ne bénéficient pas de meilleures conditions de travail et tous les parents n’ont pas la disponibilité, la formation, la patience, la connaissance de la langue, parfois nécessaires pour encadrer leurs enfants après l’école. L’externalisation pédagogique vers la sphère familiale et, à plus forte raison, vers la sphère privée, renforce les inégalités et a tendance à faire porter la responsabilité de l’échec de l’enfant sur lui–même et sur ses parents. Les enfants dont les parents maîtrisent les codes scolaires sont avantagés.
Depuis le décret du 29 mars 2001 visant à réguler les travaux à domicile dans l’enseignement fondamental, la durée, le contenu et l’évaluation des devoirs à domicile dans l’enseignement primaire sont régulés. Ainsi, en première et deuxième années, l’enseignant ne peut pas donner de devoirs aux élèves. Il peut cependant leur demander de lire, de présenter à leur famille ce qui a été réalisé pendant le temps scolaire. En troisième et quatrième années, la durée des devoirs à domicile, s’ils sont organisés, car ils ne sont pas obligatoires, est limitée à vingt minutes par jour. En cinquième et sixième années, ils doivent être terminés en trente minutes. Ce texte reste une belle avancée dans le balisage des travaux scolaires à la maison, mais nous constatons malheureusement que ces règles ne sont pas toujours appliquées, pour toute une série de raisons, pertinentes ou non. Les respecter représenterait pourtant une plus-value certaine pour les élèves. Madame Chabbert, le travail à domicile est en effet lié avec le rythme scolaire quotidien qui est à l’étude. Néanmoins, l’instauration d’un dispositif organisationnel de remédiation, de consolidation et de dépassement, qui s’inscrit dans le traitement de la diversité et qui permettra la différenciation dans une même classe, basée sur le rythme d’apprentissage, est dorénavant sur les rails. L’accompagnement personnalisé, tel que défini dans le Code de l’Enseignement, visera, dès la rentrée de septembre 2021, à mieux accompagner les élèves de première et deuxième années primaires dans leurs apprentissages. Comme la DPC le prévoit et comme vous le soulignez, une heure d’étude dirigée devra également être instaurée par un projet qui est encore dans ses premiers développements. Cette initiative viendra en appui du dispositif d’accompagnement personnalisé et démarrera dans les écoles à encadrement différencié pour les plus jeunes élèves, dès les troisième et quatrième années primaires. Nous devons aussi nous calquer sur la réglementation des devoirs. Il ne serait pas logique de commencer ce projet en première et deuxième années primaires, puisque les devoirs y sont interdits. Nos choix seront aussi liés au budget, l’organisation de ces projets ayant un coût. Les modalités d’organisation et de phasage de ce projet sont en pleine élaboration. Dès que je pourrai vous en dire plus, je traiterai à nouveau le sujet.
Madame Cortisse, le développement du programme dynamique Alloprof proposant de l’aide aux devoirs par le recours aux nouvelles technologies devrait se réaliser en cohérence avec les mesures que je viens de citer, l’organisation de l’accompagnement personnalisé et l’heure d’étude dirigée, en se focalisant sur les mêmes objectifs, le soutien scolaire externe à la famille. Le processus systémique du Pacte pour un enseignement d’excellence nous amène à nous concentrer sur une trajectoire et des objectifs priorisés. Des priorités budgétaires existent également. Néanmoins, je connais bien ce projet que j’ai découvert avec Mme Bertieaux lors d’une mission de la Commission mixte permanente Québec-Wallonie-Bruxelles. J’ai pu m’entretenir avec les équipes: ce projet rencontre un succès quasiment généralisé au Québec. Pour les écoles de devoirs, je vous invite à interpeller la ministre Linard, chargée de cette compétence.