Question de Rachel Sobry à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des droits des Femmes, sur “la révision de la stratégie pour contrer la frilosité du personnel soignant à la vaccination”
Rachel Sobry (MR). – Madame la Ministre, il y a deux semaines, je vous interrogeais quant au cluster ayant entraîné plusieurs décès dans une maison de repos à Nivelles. Même si le lien de cause à effet ne peut être établi avec certitude, il est évident que la couverture vaccinale du personnel soignant, bien plus basse que celle des résidents, favorise la survenance de tels incidents.
D’une manière générale, alors que les résidents de maisons de repos et de maisons de repos et de soins sont vaccinés à plus de 90 %, le personnel soignant n’y était vacciné qu’à hauteur de 58 %, selon les chiffres publiés par Sciensano en avril. Le GEMS avait pourtant remis un avis, lorsque les premiers assouplissements s’envisageaient, chiffrant à 70 % la couverture vaccinale minimum requise.
Malheureusement, après un important cluster découvert dans une maison de repos à Erquelinnes fin avril, la contamination de nombreux résidents à Nivelles en début de mois a fait de graves dégâts. Dans un cas comme dans l’autre, le personnel soignant, moins largement vacciné que les résidents, fut pointé du doigt.
Sans préjuger de la réponse idéale, il est dès lors permis de se poser la question quant à une éventuelle obligation de se faire vacciner lorsque l’on est en contact, notamment dans le cadre de son travail, avec un public à risque. C’est notamment le cas pour le vaccin de l’hépatite. La vaccination nous protège, mais elle protège aussi les autres, vous ne me contredirez pas. Les risques dans les maisons de repos et dans les hôpitaux sont importants et l’idée d’exiger que le personnel soit protégé commence à faire son chemin.
J’ai deux questions à vous adresser, Madame la Ministre.
Après des mois de vaccination et alors que presque tous les adultes de Wallonie ont été conviés à se faire vacciner, comment expliquer cette frilosité du personnel soignant ?
Je sais que cela a déjà été renforcé, mais comment renforcer davantage l’adhésion vaccinale de ce personnel soignant qui connaît pourtant très bien le covid-19 et les risques encourus ?
Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des droits des Femmes – Pour ce qui concerne le personnel soignant, 75,5 % du personnel soignant wallon est vacciné. La vaccination de ce personnel soignant vient de faire l’objet d’une analyse de Sciensano qui a croisé les données de CoBRHA, la banque de données des professionnels de santé enregistrés, et Doclr en vue d’évaluer leurs travaux. Les premières observations ont été présentées à la task force du 17 juin.
Il semblerait que ce soit les médecins et les pharmaciens qui présentent le taux de vaccination le plus élevé. Ce n’est pas surprenant qu’ils aient un taux de couverture très important.
Cette étude va servir de fondement à de nouvelles initiatives de sensibilisation à l’égard des catégories dont le taux est le plus faible. L’objectif n’est pas de stigmatiser telle ou telle catégorie, mais, par contre, de travailler sur des niches, sur qui l’on doit sensibiliser à l’importance de la vaccination.
Je voudrais, par exemple, donner une information qui me semble importante. On n’est pas dans le secteur du soin, mais je suis plutôt favorable à l’obligation de la vaccination pour le secteur des soignants parce que l’on voit que cela peut conduire à des désastres. Cela a été évoqué à propos de l’Italie. Je suis donc favorable à ce que l’on examine cette situation-là, à l’instar de ce que l’Italie avait réalisé, avait ouvert la voie. D’autres pays y pensent pour mettre cela en place également.
Il y a un intérêt et un bénéfice à la vaccination. L’intérêt est d’abord, en termes de Santé publique, j’en suis totalement convaincue, mais il est aussi d’ordre économique. Il y a quelques jours, je recevais les aides-ménagères qui m’expliquaient à quel point elles ont été précarisées parfois pendant la crise puisque, malgré les mesures que nous avons mises en place en Région wallonne, nous avons proposé qu’elles ne passent pas au chômage économique.
On a donné des soutiens aux entreprises, notamment en avril et mai, en disant : «Si vous ne passez pas au chômage économique pour vos travailleuses, vous serez financés ». Cela a permis qu’elles maintiennent leurs emplois. Néanmoins, on sait que des utilisateurs ont arrêté les contrats de travail et ont souhaité ne pas recourir à des aides-ménagères pendant quelques semaines, par exemple, parce que les personnes étaient positives.
Elles m’expliquaient que le contact tracing appelait ces travailleuses-là, en disant : « Comme vous êtes en contact avec beaucoup de monde… » Cela arrive assez régulièrement qu’elles soient appelées parce qu’un de leur client est positif. Elles ont été en contact étroit au sens où elles ont été dans la maison, même si elles portaient le masque, et elles doivent donc être écartées. Quand on est ouvrière et que l’on est en quarantaine de ce fait-là, après huit jours, on tombe sur la mutuelle. Par conséquent, pour des gens qui ont déjà un trop petit salaire, cela a des conséquences qui sont extrêmement graves sur leur pouvoir d’achat.
Aujourd’hui, être vaccinées en deux doses, cela veut dire qu’elles devront simplement faire un test PCR le jour où on leur apprend qu’elles ont été potentiellement en contact étroit avec une personne positive. Si le test est négatif, elles peuvent reprendre directement leur travail. Cela change en termes de prestation professionnelle et cela a des impacts économiques ainsi que de santé publique qui sont importants.
Je crois que l’on a un travail d’information et de sensibilisation à donner, notamment aux organisations syndicales, aux employeurs, aux travailleurs eux- mêmes. Je peux vous dire que celles à qui j’ai donné cette information étaient très intéressées par la vaccination. Je pense aussi que le travail de sensibilisation a fait son chemin et que les craintes émises, dans les premières semaines ou dans les premiers mois, se sont progressivement estompées.
Le fait que les médecins et les pharmaciens, qui sont ceux qui connaissent le plus les médicaments, les informations sur les médicaments, sur la sécurité vaccinale, se vaccinent à plus de 90 % ou de 95 %, je crois que cela doit avoir aussi un effet d’entraînement sur l’ensemble de la population. On l’a vu dans les maisons de repos au début, les soignants ou aides- soignants disaient : « Oui, mais vous ne nous utilisez pas comme cobayes ? » Ils ont bien vu que, quand les médecins faisaient des campagnes massives de promotion de la vaccination, parce qu’eux-mêmes étaient totalement convaincus, cela avait aussi des impacts sur l’ensemble des autres métiers et des citoyens en général.
La communication à destination des jeunes a débuté. Des outils très diversifiés existent déjà sur le portail de l’AViQ – jemevaccine.be –, mais ils seront bientôt rejoints par des médias spécifiques aux jeunes qui font appel aux influenceurs, particulièrement motivés et motivants pour ce public cible. On sent bien que ce n’est pas la même méthode de communication que l’on doit utiliser. On ne va pas mettre Salvator Adamo et Helmut Lotti, mais l’on a des influenceurs qui leur parlent. Ce ne sont d’ailleurs pas les mêmes médias sociaux à travers lesquels on passe pour les toucher. La solidarité est un des messages clés de cette nouvelle campagne.
Nous sommes à un tournant de l’épidémie. La surveillance de celle-ci est toujours à un niveau maximal, que ce soit au niveau des maisons de repos, des autres collectivités ou de la population. Les dispositifs de prévention seront maintenus durant l’été, du dépistage au tracing, ainsi que la quarantaine des cas positifs.
La vigilance ne baissera pas parce que c’est l’été, bien au contraire. Les équipes de tracing, Monsieur Heyvaert, resteront à un niveau d’effectif suffisant, selon les critères qui sont utilisés toute l’année. On doit rappeler que la vaccination est un outil essentiel de prévention parmi d’autres, que la vaccination protège des formes graves et arrête la chaîne de transmission, ou en tout cas, elle la stoppe très nettement, mais elle doit être combinée à des mesures d’hygiène de base, au dépistage, au tracing et au respect de la quarantaine.
Ce n’est qu’avec cette approche de prévention combinée que l’on freinera la circulation du virus. On a par ailleurs prévu de renforcer les campagnes de prévention dans ce centre.
Pour les maisons de repos, l’évolution positive de la situation sanitaire en maison de repos a permis une réouverture progressive des établissements, et ce, jusqu’à la circulaire du 1erjuin demandant aux établissements de revenir à un fonctionnement « habituel » tout en respectant les mesures édictées par le Comité de concertation.
Pour le plan Canicule, la circulaire covid-19 « les mesures recommandées pour les établissements d’accueil pour aînés afin de lutter contre la vague de chaleur » ainsi que son annexe relative aux mesures techniques préconisées ont été transmises aux directions des maisons de repos.
Pour répondre à votre sollicitation concernant le plan Rebond et les mesures prises dans les maisons de repos, je voudrais vous en dresser un rapide état des lieux. Désormais, 97 % des établissements disposent d’un plan interne d’urgence qui est réactivé, à l’apparition de cas covid positifs, au sein d’un établissement.
L’AViQ dispose aussi d’une procédure de gestion des risques. Pour rappel, les cas suspects ou confirmés de covid-19, y compris les décès, des résidents et travailleurs des collectivités résidentielles agréées par l’AViQ, sont directement déclarés par les directions via l’application PLASMA mise en ligne. La première ligne analysant ces déclarations prend contact avec les directions pour analyser la situation et, si nécessaire, procède à une demande de dépistage généralisé.
Pour les déclarations de cas groupés de covid-19, les clusters, les foyers, la cellule de surveillance des maladies infectieuses met en place une procédure de gestion de crise.
Les équipes mobiles d’urgence sont toujours opérationnelles et réalisent non seulement des interventions sur site en cas d’apparition de clusters, mais aussi des visites post-covid pour s’assurer notamment du respect des règles d’hygiène de base.
Par ailleurs, pour soutenir les équipes et les résidents dans la recherche d’un soutien psychologique, les services psychologiques d’aide à domicile et les plateformes de soins palliatifs sont aussi mobilisables.
Sur le cas spécifique de Nivelles, on a effectivement pu observer la survenue d’un foyer épidémique au sein d’une maison de repos, de manière totalement marginale, puisque nous avons connu deux petits clusters dans les maisons de repos, plus qu’un pour le moment, et c’est vrai que, même à l’échelle de la Belgique, cela fait très peu de situations. Néanmoins, quand l’on connaît une situation avec un certain nombre de décès, on est très attentifs et l’on suit la situation d’extrêmement près, que ce soit au niveau de la Région wallonne, mais aussi au niveau de la Belgique.
Douze décès sont comptabilisés. C’est une institution qui n’avait pas été touchée ni en première vague, ni en deuxième vague, ni en troisième. La majorité des cas dépistés parmi les résidents sont asymptomatiques, comme cela a été le cas pour d’autres maisons de repos qui ont connu des cas positifs, mais avec des effets très faibles. On pense que beaucoup de personnes l’étaient, d’après les informations qui nous reviennent, très fragiles et en fin de vie. Douze décès sont à déplorer, le dernier date du 10 juin. Les équipes mobiles de l’AViQ et la protection civile sont intervenues pour le renfort des mesures d’hygiène, pour la mise en place d’un cohortage et pour désinfecter les lieux.
Une action de sensibilisation à la vaccination a également été menée auprès des membres du personnel non vacciné, même si ce n’est pas le même variant qui a touché le personnel et les résidents. Néanmoins, ce travail est important, voire crucial, pour que tout le monde soit protégé.
Une enquête épidémiologique approfondie est en cours avec le soutien des experts de Sciensano et d’un comité scientifique, je les remercie d’ailleurs pour leur implication, ce sont des scientifiques, des académiques, des universitaires qui ont un travail full-time par ailleurs, mais qui nous consacrent du temps pour suivre la situation de près et apporter des solutions, des améliorations, des évolutions, eu égard aux faits qui sont recensés.
La semaine dernière a été consacrée aux prélèvements complémentaires pour faire des analyses sérologiques avec le soutien de l’OST du Brabant wallon et du médecin coordinateur, au dépistage systématique des personnes positives, au coaching quant aux mesures d’hygiène du personnel en place avec l’aide des équipes mobiles, à la mise en place d’un soutien psychologique pour les résidents et pour le personnel, à la surveillance de la présence du virus dans l’air grâce aux machines de prélèvements aérosols du laboratoire national de référence, à la révision des procédures pour une meilleure coordination et réactivité de la cellule de surveillance face à des cas particuliers comme celui-ci au cas où il devait en survenir d’autres, même si nous faisons tout pour que cela n’arrive pas.
La mise en place du comité scientifique de suivi de ce cas, avec des échanges avec l’ECDC sur la situation, est de renforcer les bonnes pratiques.
Le dernier dépistage généralisé de ce jeudi 17 juin n’a plus décelé de nouveaux cas. C’est plutôt positif, mais la situation reste sous surveillance maximale. Un nouveau dépistage généralisé est planifié jeudi prochain.
Une des premières pistes d’explication serait que les résidents décelés étaient très âgés, affaiblis, en fin de vie et leur état de santé ou leur âge avancé sont probablement l’une des causes qui peuvent expliquer la faible réaction immunitaire. On sait que, avec l’âge, la réaction immunitaire diminue avec un vaccin. L’enquête épidémiologique permettra d’apporter plus d’éléments. À ce stade, comme il s’agit d’un cas isolé, il est trop tôt pour tirer des conclusions quant à l’efficacité du vaccin.
Comme l’a expliqué, Yves Van Laethem – et il est important de le rappeler en permanence –, 0,32 %, soit moins d’un tiers de pour cent, des personnes entièrement vaccinées sont dépistées positives. Quand on est vacciné, la probabilité d’être positif au covid-19 est de 0,32 %, c’est-à-dire extrêmement faible. Dans ces 0,32 %, deux tiers sont des cas asymptomatiques ou peu symptomatiques. Au niveau des admissions à l’hôpital, on est de l’ordre de 0,001 % de personnes entièrement vaccinées admises pour covid-19.
Au-delà de l’émotion, ou de cas qui seraient montés en épingle par certains pour se demander à quoi sert la vaccination puisque des personnes contractent le covid, la réalité des chiffres montre à quel point la vaccination est efficace et à quel point le fait d’être vacciné contre le covid-19 fait chuter de manière exponentielle le taux de décès, d’hospitalisations, de personnes en unité de soins intensifs. L’objectif d’une vaccination est d’éviter les formes sévères et les décès. Je rappelle que, en Belgique, il y a eu plus de 25 000 personnes décédées du covid-19 et que cette vaccination sauve chaque jour de nombreuses vies.
La semaine prochaine devra apporter plus de précisions suite à l’analyse des données récoltées et aux analystes biologiques complémentaires. Mon cabinet, la Délégation covid-19 en Wallonie, Sciensano, les scientifiques et l’AViQ fédèrent leurs forces pour apporter des réponses claires le plus rapidement possible en travaillant avec ordre et méthode, de sorte à ne négliger aucune hypothèse et valider chacune d’entre elles scientifiquement. Cela demande du temps et de la rigueur, mais rappelons que la science n’a pas la même temporalité que les réseaux sociaux. Je vous avoue que je préfère la science aux réseaux sociaux quand il s’agit de santé publique.
Une petite précision encore, car je n’ai pas été dans le détail des variants, même si j’ai parlé du séquençage. Comme dans la vaccination, la Belgique est leader en termes de travail de séquençage des différents variants existants. Je voudrais saluer le travail des laboratoires et de celles et ceux qui réalisent ce travail de screening très régulier pour essayer d’anticiper, de faire une photographie hebdomadaire de la situation et montrer quelles sont les perspectives pour pouvoir anticiper et réagir.
La meilleure des réponses, à l’arrivée des différents variants, est la vaccination massive. L’objectif de 70 % est atteint. Nous devons tous nous fixer cette responsabilité, car chacun a la possibilité d’augmenter le taux de vaccination par la conviction. Les différentes initiatives – sans rendez-vous ou portes ouvertes, comme à Soignies, à Farciennes, à Herstal – qui émergent dans chacun des centres de vaccination, de manière coordonnée ou spécifique, en fonction de la réalité de la spécificité du travail des médecins, permettront d’augmenter ce taux de vaccination.
Chaque personne vaccinée augmente les chances que nous soyons d’autant plus libérés de ce covid-19. J’espère que nous y arriverons, mais je compte aussi sur vous, maintenant que nous arrivons dans un travail où il faut aller ratisser dans les différents quartiers. En tant que députés, vous avez aussi une marge de manœuvre et un travail de conviction. Vous êtes écoutés et vous êtes suivis par des personnes sur les réseaux sociaux et dans les rencontres que vous organisez et les visites de terrain que vous faites au quotidien ou chaque semaine. Je vous invite également à rejoindre cet exercice de conviction, de sensibilisation et de pédagogie pour que nous ayons des taux de vaccination qui flirtent avec les 80 % plutôt qu’avec les 70 %.