Question écrite de Madame Rachel Sobry à BORSUS Willy, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences sur “La captation d’eau de pluies excessives”
Monsieur le Ministre,
Avec les pluies que nous avons eues ces derniers mois, les sols de nos campagnes sont saturés en eau. Un peu partout, on peut observer des marres stagnantes, des ruissellements boueux ou encore des champs transformés en bourbiers. Cette saturation est assez classique en cette période de l’année.
Aurore Degré, ingénieure agronome à Gembloux Agro-Bio Tech, estime que des pluies bien plus abondantes devraient devenir la norme dans le futur avec le changement climatique, tout comme des périodes de sécheresse intense. Le monde agricole, notamment, sera alors contraint de s’adapter et de faire preuve d’ingéniosité pour continuer à cultiver.
La spécialiste prône un aménagement des campagnes afin de capter les surplus d’eau dans des zones tampons. Des espaces naturels comme des étangs ou des mares pourraient alors servir à la rétention d’eau. Ces réservoirs naturels permettraient non seulement de capter des ruissellements potentiellement destructeurs, mais également de constituer des réserves d’eau pour l’irrigation lors de périodes de sécheresse.
Si ce type d’aménagement est courant dans certains pays à la météo plus extrême comme l’Australie, ce n’est pas encore le cas chez nous. Il convient, néanmoins, d’y rester attentif tant le changement climatique a des répercussions sur notre agriculture.
Étant donné que la DPR prévoit que « le Gouvernement soutienne les agriculteurs victimes du dérèglement climatique et leur permette de tirer toutes les opportunités d’une diversification des méthodes de production et de valorisation », mes questions sont les suivantes :
Quelle est la position de Monsieur le Ministre quant à cette idée ? Que fait-il actuellement pour limiter les effets néfastes de ces eaux stagnantes sur l’agriculture ? Voit-il ce procédé comme une piste pour limiter les dégâts liés aux précipitations irrégulières et violentes ?
Réponse de Monsieur le Ministre Borsus Willy
Avant d’apporter une réponse à la question, je précise que cette matière relève tant de mes compétences en matière d’Agriculture et d’Aménagement du territoire que des compétences en matière d’Environnement et de Ruralité de ma Collègue, Céline Tellier.
Je ne peux que donner raison aux idées avancées par le Professeur Degré. Consacrer de l’espace à l’eau dans le paysage rural, sous forme de mares constitue une des réponses à l’adaptation de nos campagnes aux effets du changement climatique, qu’il s’agisse de sécheresses ou de pluies abondantes. Ces aménagements peuvent par ailleurs bénéficier aujourd’hui d’une aide régionale dans le cadre de la mise en œuvre des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et demain dans le cadre de l’écorégime maillage écologique, ou sous forme de bassins de retenue d’eau dans le cadre de l’aménagement foncier rural. Ces espaces tampons permettent de retenir les excès d’eau limitant ainsi dans le temps les flux vers les cours d’eau, d’un part, mais aussi les phénomènes de ruissellement agricole et de coulées boueuses associées, d’autre part. Ils permettent aussi d’assurer le maintien de milieux humides lors d’épisodes secs. Elles n’ont pas pour but premier l’irrigation ni l’abreuvement du bétail même si elles peuvent constituer une réserve d’appoint pour des usages limités et exceptionnels.
Ces idées ne sont d’ailleurs pas neuves. Le Plan Pluies (Prévention et Lutte contre les Inondations et leurs Effets sur les Sinistrés) de 2003 avait déjà pris en compte cette problématique dans ses objectifs et les actions corrélatives à mener. Je cite entre autres, la création de zones de bassins de retenue pour l’agriculture, la création de zones à inonder sur des terres agricoles et forestières, la création de zones de rétention des eaux en particulier en tête de bassin, la plantation de haies, l’optimisation des pratiques agricoles, l’accroissement de la couverture interculture des terres agricoles, et cetera.
Ces objectifs et ces actions ont par la suite été intégrés dans les PGRI (Plans de gestion des risques d’Inondation). Dans ce cadre, de nombreuses mesures concrètes locales ont déjà été prises, ainsi que des mesures plus globales à l’échelle de la Wallonie. De multiples mesures sont par ailleurs en cours, et d’autres vont l’être prochainement dans le cadre de l’approbation du cycle 2022 – 2027 des PGRI après que l’évaluation des incidences et la consultation du public aient été menées (enquête publique du 3 mai au 3 novembre 2021). Dans les dernières propositions de mesures locales qui ont été soumises à enquête, figuraient ainsi pas moins de 164 projets (24,8 % du total des mesures locales proposées) qui étaient en lien avec la problématique de la rétention des eaux.
Pour répondre à la question de l’honorable membre sur les effets néfastes des eaux stagnantes, je rappellerai que l’aménagement de l’espace agricole est indispensable pour gérer les eaux comme les terres. La Direction de l’aménagement foncier rural comme la cellule GISER interviennent sur le terrain et presque toutes les communes wallonnes ont à un moment ou à un autre bénéficié de conseils en la matière.
Enfin, au vu des évènements dramatiques que nous avons vécus ces derniers temps, et plus particulièrement en juillet 2021, je n’ai aucun doute quant à la nécessité de procéder à des évaluations de la gestion de l’écoulement des eaux, bassin versant par bassin versant, notamment par le biais des PGRI. Cette bonne gestion implique une grande transversalité entre les parties concernées : les agriculteurs, les communes, les administrations.
J’encourage donc dans ce cadre la solidarité et la concertation entre l’amont et l’aval et ce, pour le bien de tous, afin que de telles mesures soient mises en œuvre afin de réduire autant que possible les dégâts dus aux inondations.
À cet égard, le marché de services qui vient de débuter (notification du marché le 14 janvier) sur le bassin versant de la Vesdre servira d’exemple quant à la gestion de l’aménagement du territoire en synergie avec la gestion des écoulements d’eau, en fonction des spécificités locales et des contraintes naturelles telles qu’évoquées dans sa question.