Question de Mme Rachel Sobry à M. Frédéric Daerden, Vice-Président du Gouvernement et Ministre du Budget, de la Fonction publique, de l’Égalité des chances et de la tutelle sur Wallonie-Bruxelles Enseignement sur « La médiatisation qui dérange des LGBTQ+, à l’image de Lady T dans l’émission “The Voice” »
Mme Rachel Sobry (MR). – L’émission « The Voice », diffusée chaque mardi sur la RTBF, est particulièrement populaire puisqu’elle attire une audience de près d’un demi-million de téléspectateurs. Cette année, une candidate connue sous le nom de scène « Lady T » a marqué les esprits, puisque c’est la première fois qu’une dragqueen est sélectionnée dans ce concours. La diffusion de cette chanteuse – qui, comme tous les autres candidats, est là pour son talent – est réjouissante en ce qu’elle souligne que les dragqueens et tous les membres de la communauté LGBTQ+ ont la même place que n’importe qui dans la société, y compris dans les médias.
Malheureusement, un témoignage glaçant de l’intéressée publié par le journal “ Sudpresse “ révèle qu’elle a ensuite été la cible d’un traquenard qui a débouché sur une violente agression. En effet, après son passage dans l’émission, un prétendu admirateur avec qui elle échangeait sur les réseaux sociaux lui a donné un rendez-vous. Il l’a séquestrée, frappée à plusieurs reprises et a même tenté de faire usage d’un couteau avant que la victime ne puisse s’enfuir. Lady T a également dit recevoir encore beaucoup de messages haineux. Son passage dans l’émission a visiblement dérangé certaines personnes et aggravé le problème de l’intolérance envers la communauté LGBTQ+. Il faut pourtant que les mentalités puissent évoluer et que la médiatisation de personnes issues de cette communauté n’engendre plus de craintes ou de dangers.
Monsieur le Ministre, comment lutter contre ces violences et protéger les personnes LGBTQ+ d’éventuels dangers qu’engendrerait leur médiatisation ?
Des campagnes de sensibilisation à l’attention du grand public sont-elles menées, conformément à la Déclaration de politique communautaire (DPC) ?
Certaines personnes LGBTQ+, victimes de harcèlement ou d’agression, se disent trop peu entendues. Ainsi, malgré les coups visibles qu’elle a subis, Lady T a eu beaucoup de difficultés à convaincre le contrôleur, à bord du train dans lequel elle s’est échappée, de contacter les agents de Securail.
Comment peut-on remédier à de telles situations ? Pensez–vous qu’il faille plus largement relayer ce type de récit tragique pour générer une sorte d’indignation populaire et conscientiser chacun quant à cette problématique ?
M. Frédéric Daerden, Vice-Président du Gouvernement et Ministre du Budget, de la Fonction publique, de l’Égalité des chances et de la tutelle sur Wallonie-Bruxelles Enseignement. – La violence à l’égard des homosexuels et des personnes transgenres relève des délits de haine, comme l’a encore malheureusement rappelé l’actualité en Flandre. Ces délits sont commis par discrimination, pour des raisons de haine, de mépris ou d’hostilité à l’égard de personnes qui ont une autre orientation sexuelle ou qui ont subi un changement de sexe. Ils touchent à l’identité même de la victime. La Fédération Wallonie-Bruxelles a renouvelé son engagement dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie en participant activement à la préparation d’un nouveau plan interfédéral LGBTQI+. Ce plan fait suite aux deux premiers plans interfédéraux, qui datent respectivement de 2013 et 2018, et vise à renforcer les politiques de lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre à tous les niveaux de pouvoir. Le décret du 13 novembre 2015 modifiant le décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination introduit l’identité de genre et d’expression de genre dans la liste des critères protégés relatifs au sexe.
L’opération « Et toi, t’es casé-e? » est une campagne axée sur les jeunes et qui vise à briser les tabous et les stéréotypes à l’égard des personnes LGBTQI+. Les médias et la société véhiculent trop souvent une image de souffrance liée aux transidentités, comme si être transgenre équivalait nécessairement à être souffrant. Ce discours incessant rend invisibles celles et ceux qui vivent bien leur expérience transgenre. De plus, il détourne l’attention du vrai problème : c’est la société transphobe qui provoque les souffrances endurées par les personnes transgenres et non leur condition en elle-même. La Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit le soutien des initiatives du secteur des médias visant à l’élaboration et à l’adoption d’une charte encadrant le traitement médiatique des crimes de genre, à l’instar de ce qui existe en Espagne. De la même manière, la publication pluri-institutionnelle « Être une personne transgenre en Belgique – Dix ans plus tard » montre que c’est surtout dans les domaines des médias numériques et du sport qu’une sensibilisation est nécessaire. Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a fait part de son intention d’agir en ce sens et de mener des campagnes de sensibilisation aux droits des personnes LGBTQI+ dans sa DPC.
Dans le cadre du plan « Droits des femmes », le gouvernement s’est engagé à développer des campagnes de sensibilisation afin de soutenir et renforcer la prévention primaire des violences. Il s’agira notamment de conduire deux autres campagnes de sensibilisation et de prévention des violences basées sur le genre ; ces campagnes viseront à la fois le grand public et l’ensemble des établissements dépendant de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en adaptant les messages au public cible. Les thématiques et modalités de ces campagnes seront notamment sélectionnées parmi les suivantes : le harcèlement sexuel dans l’espace public, le harcèlement dans le milieu académique, les questions transidentitaires et l’intersexuation. En ma qualité de ministre de l’Égalité des chances, je soutiens, avec ma collègue Bénédicte Linard, l’Association des journalistes professionnels (AJP) pour la réalisation de projets relatifs à l’égalité et à la diversité dans les médias et dans le secteur du journalisme. En 2020, la ministre Glatigny et moi-même avons lancé un appel à projets dans le cadre de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS); cet appel accordait une attention particulière aux actions et projets visant spécifiquement les questions d’orientation sexuelle et la prévention des inégalités et discriminations sexistes et homophobes.
Enfin, je voudrais rappeler qu’en 2020, la Belgique s’est classée deuxième au classement publié par l’European Region of the International Lesbian and Gay Association (ILGA-Europe), lequel répertorie 49 pays européens en fonction du respect des droits et libertés des personnes LGBT+. La Belgique y a obtenu un score de 73 %. Ce classement se base sur l’examen de plus de 70 critères relatifs aux législations contre les discriminations en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, mais aussi à l’égalité face au mariage, à l’adoption, à la reconnaissance des seconds parents ou à la possibilité de changement d’état civil pour les personnes transgenres. Ce classement démontre l’importance de l’égalité dans nos législations, mais il reste un effort de sensibilisation à mener. En 2019, Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, a ouvert 133 dossiers concernant des discriminations de personnes LGBT. Je compte me concerter avec la ministre Linard afin d’examiner les possibilités de travailler ensemble sur des mesures visant à mieux protéger ces minorités et à faire évoluer les mentalités.