Question écrite de Madame Sobry à Monsieur BORSUS Willy, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences sur “La problématique du fait accompli en urbanisme”
Monsieur le Ministre,
La plupart des travaux immobiliers nécessitent l’obtention d’un permis d’urbanisme. Si la procédure est parfaitement détaillée et encadrée, elle n’est pas toujours suivie, si bien qu’une problématique est observée de plus en plus régulièrement : celle du fait accompli.
Bon nombre de citoyens effectuent des travaux sans avoir obtenu le ou les permis nécessaire(s). Un procès-verbal de constat d’infraction être alors dressé. Les suites peuvent alors déboucher sur différentes possibilités : citons notamment l’introduction d’une demande de régularisation, l’entame de poursuites pénales ou d’une action civile ou encore l’exigence d’un retour au pristin état.
Dans les faits, l’immense majorité de ces incidents aboutissent uniquement à une régularisation, si bien que les demandeurs se retrouvent avec le permis qu’ils auraient dû obtenir avant l’entame des travaux sans la moindre sanction.
Cette « méthode de forcing » a été mise en lumière récemment en région namuroise, à Maillen exactement, où un important bassin agricole a été érigé sans la moindre autorisation. Aujourd’hui, sa présence impacte un proche site géologique classé.
Le conseil des requérants fonde sa défense sur le fait que, maintenant que le bassin est là, il faut réfléchir à des solutions pour débloquer la situation. Finalement, cette « technique » est utilisée pour mettre un maximum de pression sur la commune en jouant sur le fait qu’une marche arrière est compromise, la Région wallonne ayant besoin d’un urbanisme contrôlé pour remplir différents objectifs repris dans l’accord de gouvernement.
Comment Monsieur le Ministre se positionne-t-il par rapport au développement de cette « technique » du fait accompli ?
Comment œuvre-t-il à armer suffisamment les services de l’urbanisme, notamment face à ce fléau ?
Comment y mettre fin ? Des sanctions administratives pourraient-elles pallier le manque de poursuites judiciaires ?
Réponse de Monsieur le Ministre BORSUS Willy
Madame la Députée,
Une jurisprudence constante du Conseil d’État exige, en cas de permis de régularisation, une motivation spécifique tendant à établir que la décision prise par l’autorité compétente n’a pas été infléchie par le poids du fait accompli.
Il doit ainsi être démontré que les actes et travaux érigés sans permis répondent aux exigences du bon aménagement du territoire : en pratique, le permis de régularisation doit donc être suffisamment motivé pour permettre au Conseil d’État de vérifier « que l’appréciation du bon aménagement du territoire qui a présidé à la prise de décision n’a pas été infléchie par le poids des faits accomplis ».
Un arrêt récent n° 247 385 du 9 avril 2020 le confirme à nouveau : « […] l’autorité n’a pas correctement exercé son pouvoir d’appréciation du bon aménagement des lieux, en manière telle qu’il n’est pas non plus établi à suffisance qu’elle n’a pas été infléchie par le poids du fait accompli ».
Il va de soi que la référence faite à « l’héritage du passé » ne peut être admise comme motivation satisfaisante. L’appréciation de l’autorité doit donc se faire « comme si » le projet n’était pas déjà réalisé en se posant la question de son admissibilité indépendamment de la situation infractionnelle générée par les travaux sans permis.
Par ailleurs, je rappelle que l’autorité communale ou régionale qui a connaissance d’une infraction, peut, en application de l’article D.VII.4, alinéa 1er, du CoDT, adresser un avertissement au contrevenant et fixer un délai de mise en conformité comprise entre trois mois et deux ans. L’alinéa 3 de cette même disposition dispose qu’au terme du délai fixé dans l’avertissement et à défaut de mise en conformité, un procès-verbal de constat est dressé et transmis au Procureur du Roi.
L’article D.VII. 20 du Code, quant à lui, précise qu’aucun permis de régularisation relatif aux actes et travaux objets d’un procès-verbal de constat ne peut être octroyé et envoyé par l’autorité compétente qui a reçu le procès-verbal ou qui en a été avisée tant que n’est pas versé le montant de la transaction.
Enfin, en ce qui concerne le cas de Maillen, mon administration m’informe qu’un dossier contentieux avec procès-verbal, ordre d’arrêt des travaux et intervention du Parquet a été ouvert. Mon administration m’informe également qu’un dossier de recours en permis unique a été introduit et est cours de traitement. Je ne peux donc me prononcer sur le fond puisque j’interviendrais en tant qu’autorité délibérante dans l’hypothèse de l’introduction d’un recours.