Question écrite de Madame Sobry à MORREALE Christie, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Economie sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes sur “Le manque de formation continue des employés”
Madame la Ministre,
Cefora a réalisé, via l’institut iVox, une enquête auprès de pas moins de 1 000 employés de la Commission paritaire 200 relative à la formation continue. Selon celle-ci, les employés n’auraient, en moyenne, suivi qu’un jour et demi de formation ou de « recyclage » durant l’année 2021.
Ce chiffre est interpelant dans la mesure où près de 8 employés sur 10 interrogés souhaitent suivre davantage de formations. Parmi ceux-ci, ce sont les jeunes travailleurs de moins de 34 ans qui seraient les plus demandeurs.
Si la conclusion d’un accord sectoriel récent permet aujourd’hui aux travailleurs de la Commission paritaire 200 d’obtenir jusqu’à 4 à 6 jours de formation par an, ce n’est pas encore le cas en pratique et plus d’un tiers des employés n’en discuteraient jamais avec leur employeur ou la personne en charge des ressources humaines.
Cefora en conclut qu’un véritable « plan formation » est nécessaire en vue de rendre la formation continue plus systématique. Alors que la déclaration de politique régionale énonce que les dispositifs existants de soutien à la formation continue seront évalués et, le cas échéant, adaptés aux réalités actuelles, j’ai plusieurs questions à adresser à Madame la Ministre :
Quelle est sa position quant aux résultats et à la conclusion de l’enquête menée par Cefora ?
Que fait-elle concrètement pour adapter la formation continue aux réalités actuelles ?
Tient-elle compte des nouvelles tendances sur le marché du travail, notamment le fait de changer régulièrement et rapidement d’emploi chez les plus jeunes ? Comment ?
Un véritable « plan formation continue » est-il nécessaire pour la rendre plus systématique ?
Réponse de Madame la Ministre MORREALE Christie
Madame la Députée,
L’enquête CEFORA indique en effet que les travailleurs de la Commission paritaire ont bénéficié en moyenne de 1,5 jour de formation durant l’année 2021.
En Wallonie, différents dispositifs à la formation continue des travailleurs peuvent être activés suivant les besoins et de qui émane la demande.
Ainsi, le dispositif Chèque-Formation utilisé à la demande de l’entreprise pour ses travailleurs démontre des résultats légèrement plus élevés pour la même année.
En effet, les employés de la Commission paritaire 200 (cadre et employé), de toutes tranches d’âge et toutes tailles d’entreprises confondues, suivent en moyenne 2,62 jours de formation par an montant même jusqu’à 2,74 jours de formation par an pour les travailleurs de moins de 34 ans.
On constate également que les employés et cadres de la Commission paritaire 200 représentent 26,39 % des travailleurs de maximum 34 ans sur la totalité des travailleurs bénéficiaires du dispositif.
En ce qui concerne le Congé-Education payé (CEP), dispositif actionné directement par le travailleur, la Commission paritaire 200 globalise 7,71 % de la totalité des travailleurs bénéficiaires du CEP (1 351 travailleurs sur un total de 17 530) pour 5,78 % des heures de formation approuvées (69.433/1.201.109), ce qui représente en moyenne 51,39 heures de formation par travailleur, soit approximativement 6,5 jours (calculé sur une base de 8h/jour de formation).
Par ailleurs, sur les 1 351 travailleurs concernés par la Commission paritaire 200, 30,52 % sont des formations professionnelles reconnues par la Commission d’agrément (411 travailleurs/1 351) et 27,91 % sont des formations sectorielles (377/1 351).
Le dispositif Crédit-adaptation, par contre, n’a pas de données disponibles spécifiquement pour la Commission paritaire 200. Cependant, si l’on prend les données disponibles pour les cadres et employés pour toutes tranches d’âge et tailles d’entreprises confondus, on constate une moyenne de 7,7 jours de formation sur l’année.
Si l’on compare avec les jeunes cadres et employés de moins de 34 ans (<= à 34 ans), pour toute taille d’entreprise, on obtient une moyenne de 8,2 jours de formation sur l’année.
Ces jeunes cadres et employés globalisent 21,81 % de la totalité des travailleurs bénéficiaires du Crédit-adaptation (2 061/9 451) pour 21,45 % des heures de formation (134.915/628.862).
Si le recours aux incitants à la formation permet de bénéficier en moyenne d’un nombre de jours de formation supérieur à ceux de l’enquête réalisée par le CEFORA, il y a lieu de relativiser l’impact des incitants financiers sur la formation continue des travailleurs wallons.
Ainsi, comme le pointe l’évaluation des aides à la formation réalisée en 2020, la connaissance des mesures et leur taux de pénétration dans les entreprises restent encore trop limités, spécialement en regard des obligations et objectifs européens de formation continuée des travailleurs. Si les aides contribuent à couvrir une partie du coût global de diverses formations suivies par les travailleurs, aucun mécanisme ne semble, à lui seul, entraîner un impact significatif sur la participation à la formation, la hausse du niveau de compétences de la main-d’œuvre ou l’orientation vers certains types de formations.
Toujours selon l’évaluation, pour gagner en efficacité et en efficience, il serait intéressant de concentrer les moyens disponibles sur certaines interventions et/ou de définir des convergences d’actions avec les stratégies de développement des travailleurs et des entreprises ainsi qu’avec les mécanismes et moyens disponibles dans les différents fonds sectoriels de formation. Les règles de cumul entre dispositifs publics et sectoriels ainsi que les différentes procédures d’agrément des formations gagneraient également à être clarifiées et simplifiées.
Afin de répondre aux constats établis par l’évaluation des aides à l’emploi et à la formation, nous avons initié un processus de réforme des incitants à la formation en concertation avec les partenaires sociaux réunis au sein du GPSW. Cette réforme est par ailleurs soutenue, à hauteur de 101 M€ dans le cadre du plan de relance et de reconstruction de la Wallonie (Projet 26).
Ainsi, la réforme envisagée reposera sur trois volets :
– Le « Passeport wallon à la formation » qui visera une évolution de l’actuel Congé-éducation payé en renforçant le droit individuel à la formation continuée à l’initiative du travailleur.
Concrètement, chaque travailleur pourra bénéficier d’un compte annuel de formation lui permettant de financer le congé d’absence pour formation, mais aussi la participation aux frais inhérents à la formation tels que les frais d’inscription, les fascicules et supports didactiques…, pourraient également être couverts les éventuels frais de garde d’enfant. Une majoration de l’aide est envisagée pour les publics sous représentés dans l’usage actuel des incitants à la formation tels que les travailleurs infra-qualifiés, les travailleurs âgés, les travailleurs ayant une reconnaissance de l’AViQ ou encore les femmes.
– Le « New Skill Wallonia », dispositif actionné par l’entreprise, lui, visera l’évolution des compétences en réponse à des priorités stratégiques qui seraient établies pour 3 ou 4 ans par le Gouvernement wallon sur proposition des partenaires sociaux. Ces priorités prendront en considération les évolutions technologiques, socio-économiques et environnementales ; l’évolution des métiers ou encore le vieillissement de la population par exemple.
Pour bénéficier du « New Skill Wallonia », il sera attendu de l’entreprise une vision stratégique déclinée sous forme d’un plan de formation générale. Ce plan sera collectif à l’entreprise et non individuel par travailleur. L’entreprise restera autonome dans sa politique de formation. Cependant, le dispositif « New Skill Wallonia » n’interviendra dans ce plan de formation que pour les formations reconnues par le Gouvernement.
– Et enfin, le dispositif « Transition emploi-emploi » visera à prévenir la perte d’emploi des travailleurs par un plan d’accompagnement pour que ceux-ci puissent, soit rester dans l’entreprise via des formations ayant permis une adaptation suffisante des compétences, soit être engagés dans une autre entreprise (du secteur ou même d’un autre secteur).
Dans un premier temps, le dispositif s’organisera sous forme d’expérimentation visant à soutenir des projets-pilotes. Seront concernés, les employeurs auprès desquels des métiers ou des fonctions seraient menacés par les mutations technologiques, la digitalisation ou encore la pénibilité. Les projets seraient portés en collaboration avec les fonds sectoriels et reposeraient sur un mécanisme de cofinancement Entreprise/Fonds sectoriels/Pouvoirs publics.
Cette réforme des incitants à la formation s’intègre et vient en complément de l’accord fédéral sur la réforme du marché du Travail qui vise, entre autres, à encourager et augmenter la formation des travailleurs, mais soutient également le Compte individuel de formation.
Cette réforme du marché du Travail prendra, entre autres, la forme d’un droit individuel à la formation dans chaque entreprise visant à consacrer trois jours en 2022, quatre jours en 2023 et cinq en 2024 de formation par an et par travailleur. En outre, chaque année, toute entreprise de 20 travailleurs et plus, devra déposer “un plan de formation”.