Question écrite de Madame Rachel Sobry à BORSUS Willy, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences sur ” Le soutien à la gastronomie wallonne “
Monsieur le Ministre,
Il y a quelques semaines, le célèbre guide rouge a publié, après un an et demi d’absence, le nom des restaurants qui obtiennent les étoiles si recherchées. Hélas, sur les 14 nouveaux établissements étoilés, seuls trois proviennent de Wallonie. Le célèbre sommelier Éric Boschman ne cache pas son désarroi. Selon lui : « On frise le grotesque », tant la Wallonie ne semble valoir la peine que l’on s’y arrête alors que la Flandre brille par sa gastronomie raffinée. De son côté, le chef étoilé Christophe Pauly, du « Coq aux champs », à Tinlot, estime, quant à lui, qu’il y a un « dynamisme politique » bien plus important en Flandre où il serait plus acquis que la gastronomie crée une image positive pour la région et génère du tourisme.
Face à ce constat, plusieurs chefs avaient lancé en 2013 « Génération W », un collectif visant à faire découvrir le noyau culinaire wallon et son maillage riche de producteurs, artisans, hommes et femmes d’entreprise et créateurs. Là aussi, les chefs concernés regrettent que cette initiative n’ait pas bénéficié de soutien politique. Alors que le Gouvernement veut valoriser l’excellence de notre artisanat, notamment en poursuivant la reconnaissance de « meilleurs ouvriers wallons » dans les métiers de bouche, je souhaitais faire le point avec vous, Monsieur le Ministre, à travers ces questions.
Comment analysez-vous le manque de reconnaissance des chefs wallons ? Quelles initiatives prenez-vous et pouvez-vous prendre pour valoriser leur terroir ? Pourquoi l’initiative « Génération W » n’a-t-elle pas été soutenue par la Région wallonne ? Pourrait-elle l’être à l’avenir ? Des initiatives avec Mme la Ministre De Bue sont-elles envisageables ? Lesquelles, le cas échéant ?
Réponse de Monsieur le Ministre Borsus Willy
Le fait que la Flandre pèse davantage que la Wallonie dans les guides gastronomiques ne peut que titiller, non seulement nos papilles, mais aussi notre réflexion. La gastronomie est une forme d’expression d’un territoire et de valorisation de celui-ci, d’un pays, d’une région, mais c’est aussi l’art de vivre et la promotion de nos produits locaux. C’est un secteur économique et porteur d’emploi à part entière. J’ai donc de multiples raisons d’y être sensible, à la fois en tant que ministre de l’Économie et en tant que ministre de l’Agriculture. Permettez-moi d’apporter quelques nuances dans le propos, puisque l’attribution des étoiles du Michelin en Belgique met en évidence, c’est clair, des disparités régionales qu’il convient de ne pas nier, mais qui doivent aussi, me semble-t-il, tenir compte à la fois du paramètre de la population – vous l’avez évoqué également –, du niveau socioéconomique des régions concernées.
On a grosso modo un rapport de 4 à 10 en faveur de la Flandre, si je compare à la Wallonie. Je me suis livré un petit exercice, puisque Bruxelles compte 14 étoilés, la Flandre 84, et la Wallonie 35. Ceci représente : – pour Bruxelles, 10,7 % des étoilés alors que la population est de 10,6 %, ramenée au territoire national ; – la Flandre représente, elle, 64,9 % des étoilés alors que sa population est de 57,7 % ramenée à la population totale belge ; – la Wallonie est effectivement à la traîne, mais relativisons effectivement cet écart, puisque 26,9 % des étoilés nous sont attribués, alors que nous représentons 31,6 % de la population. Notons également sur base des revenus socioéconomiques qu’il y a un différentiel de 7 % en ce qui concerne les revenus socioéconomiques wallons par rapport à la Flandre. Par ailleurs, je l’ai mentionné brièvement, même s’il s’agit d’une autre notion, un rapport qualité-prix, les Bib gourmands à l’inverse, sont attribués plus largement en Wallonie, puisqu’on en dénombre 75 sur le territoire wallon pour 38 sur le territoire de la Flandre. Par ailleurs, en ce qui concerne la restauration et les produits locaux, on a effectivement une mission, une volonté de soutenir un cheminement vers plus d’excellence.
C’est dans ce contexte qu’avec l’APAQ-W, indépendamment des réseaux déjà existants, nous allons déployer, c’est annoncé désormais, un réseau d’excellence du terroir ou de terroir. Il est en effet ici important de parler non seulement de l’excellence dans la gastronomie, dans la cuisine, dans l’accueil, mais aussi d’y faire le lien avec la valorisation des produits locaux, de manière à ce que l’un et l’autre puissent converger vers le même objectif. Ce réseau, parallèlement au réseau existant de « Tables de terroir », que vous connaissez déjà maintenant, vise à appliquer aussi des exigences qualitatives, je le mentionnais, mais aussi de recours aux produits locaux dans ces restaurants qualitativement reconnus. Cette connaissance ne peut évidemment souffrir d’aucune appréciation arbitraire. C’est la raison pour laquelle j’ai chargé l’APAQ-W de la création d’une plateforme partenariale destinée à identifier avec objectivité les restaurants pouvant légitimement afficher cette reconnaissance. Il est un peu tôt, bien sûr, pour vous donner les détails de cette méthodologie à laquelle vous avez également fait référence. Quant à Génération W, effectivement, j’ai suivi ce dossier avec attention et force est de reconnaître que la convention liant ce collectif à la Région a connu des difficultés et, notamment en raison d’événements extérieurs auxquels Génération W a dû faire face, l’exécution de la convention n’a pas été convaincante en termes d’impact. J’ai pris note du fait qu’une dynamique nouvelle est en train de se mettre en place au sein d’une structure renouvelée.
Je compte bien évidemment prendre rapidement contact avec les nouveaux interlocuteurs concernés afin de poursuivre cette démarche partenariale. Puisqu’il est question de partenariat, j’aimerais vous informer que, à ma demande, les fonctionnaires dirigeants de l’APAQ-W et de l’IFAPME vont se rencontrer très prochainement et en lien avec le secteur HORECA, de manière à pouvoir travailler sur l’aspect formation, et formation de haut niveau à travers le Centre de formation des classes moyennes, les centres de compétences. Le but est effectivement d’alimenter la pépinière de celles et ceux qui deviendront un jour de grands arbres de la gastronomie, singulièrement de la gastronomie wallonne. En ce qui concerne les « Tables de terroir » que j’évoquais, cette reconnaissance a déjà été accordée à 31 établissements, l’objectif étant d’en d’atteindre de l’ordre de 50 établissements labellisés « Tables de terroir » pour la fin de cette année. Aux « Tables de terroir » vont s’ajouter le réseau que j’ai mentionné « Excellence de terroir », l’action en matière de formation, le renouvellement de la démarche avec la structure qui poursuivra l’ambition de Génération W. Par ailleurs, en ce qui concerne l’initiative des pass ou encore de rendre certaines enseignes culinaires plus attractives, je pense que, là, nous nous éloignons de mes compétences. Monsieur Antoine, vous savez à quel point nous sommes attentifs – régulièrement, votre famille politique nous met en garde concernant des dépenses complémentaires –, donc nous n’envisageons pas de mobiliser des moyens significatifs complémentaires. Je crois comprendre que la Flandre a, au cours de ces dernières années, mobilisé un certain nombre de millions d’euros au total pour ces années concernées.
Par contre, il y a pas mal d’actions à mener, notamment en lien avec ma collègue et consœur, la ministre du Tourisme, et mon intention est effectivement de bien vouloir soutenir tout cela de manière à ce que non seulement notre secteur puisse se redéployer, que l’on réponde aux besoins, notamment du secteur HORECA, et singulièrement du secteur HORECA d’excellence, que, par ailleurs, l’on agisse à travers de la formation et si – cherry on the cake –, de surcroît, un de nos chefs vient briller à l’international, voilà une dynamique positive qui pourrait, me semble-t-il, s’enclencher. Vous savez que nous avons déjà beaucoup de wagons dans le train que nous sommes de chargés de tirer, mais il me semble que celui-là trouve toute sa pertinence dans le convoi des efforts apportés avec insistance au bénéfice de l’emploi de la région, de la convivialité et de l’image de celle-ci.