Question d’actualité à M. Borsus, Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences, de Mme Sobry, sur « le Stop béton ».
Mme Sobry (MR). – Monsieur le Ministre, le « Stop béton », c’est donc l’idée de mettre fin à la multiplication des surfaces artificialisées, les maisons, les routes, les zonings sur le territoire wallon. C’est un objectif qui est fixé à l’horizon 2050 pour la Wallonie. L’objectif de lutter contre l’étalement urbain est évidemment louable. On connaît les effets pervers de l’étalement urbain qui implique, par exemple, une grande dépendance en matière de mobilité pour les citoyens qui habitent relativement loin des commerces, des écoles, de leur boulot. Puis, l’étalement urbain joue également un rôle majeur dans le déclin de la biodiversité.
Néanmoins, ne craignez-vous pas quelques effets pervers de cette mesure « Stop béton » ? Cela supposerait par exemple que l’on doive réviser des plans de secteur qui ont été dressés voici 50 ans et qui ne correspondent plus du tout à la réalité. Dans ce cas, qu’en est-il des réserves foncières à bâtir que les gens possèdent et qui deviendraient des terrains agricoles ?
Prévoit-on des compensations financières ou peut-être planologiques pour les gens qui se trouveraient lésés de voir passer leur terrain à bâtir en terrain agricole ? Aussi, ne craignez-vous pas que le risque de pénurie de terrains à bâtir entraîne une hausse des prix au mètre carré, ce qui constituerait un frein à l’accès à la propriété ?
On a aussi les villas quatre façades et les nouvelles constructions qui vont se voir de plus en plus restreintes.
Dès lors, comment concilier cette mesure avec les libertés individuelles qui sont liées au droit à la propriété ?
Voilà les quelques points sur lesquels j’aimerais vous entendre.
M. Borsus, Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences.– Mesdames les députées, merci pour cette importante question. La Déclaration politique régionale a été, à cet égard, particulièrement ambitieuse. Je la rappelle pour celles et ceux qui ne l’auraient pas sous les yeux. La Déclaration de politique régionale, d’une part, a indiqué notre objectif et notre accord de mettre fin à l’étalement urbain à l’horizon de 2050, de le freiner d’ici là et de fixer d’ici à 2025 un certain nombre d’objectifs et d’étapes.
Deuxièmement, le but n’est pas uniquement de se fixer des objectifs à moyen et à long termes. L’objectif est d’agir rapidement et d’une façon équilibrée et pragmatique. Je salue en cela l’approche d’Inter–Environnement Wallonie, même si je ne rejoins pas l’ensemble des propositions. Cette approche se veut aussi positive. Encourageons, persuadons, expliquons, avant de venir, le cas échéant, quod non, effrayer les gens par des slogans – j’en ai lu quelques-uns à droite ou à gauche – qui viendraient probablement créer les germes et les causes de possibles échecs retentissants tels que ceux que j’ai pu observer dans d’autres partis notamment d’Europe où ce type d’ambition avait été affichée. Des instruments, il y en a rapidement que l’on peut utiliser : d’une part, la reconversion des friches industrielles. Nous avons au minimum 3 700 hectares et les fourchettes les plus larges parlent de plus de 20 000 hectares de zones d’activité économique désaffectées et diversement polluées. L’objectif est de 100 hectares par an de reconversion de ces sites vers de nouvelles fonctionnalités.
Troisièmement, utilisons également les outils actuels, notamment les zones d’enjeu communal, la possibilité d’avoir les schémas de développement communal ou intercommunal. Mobilisons les pouvoirs locaux ; l’opération est en cours pour que ceux-ci puissent soutenir des éléments de centralité positive, d’attractivité des espaces centraux, des villes, des villages ou encore des entités intermédiaires.
Quatrièmement, dans le cadre de cet objectif de frein, tout d’abord, et de stop ensuite, à l’échéance de 2050, il faut pouvoir s’entourer d’un grand nombre d’expertises. C’est ce que la DPR a évoqué. Je proposerai, dans les tout prochains jours, au Gouvernement et à l’appréciation de celui-ci, la constitution de ce groupe d’experts chargé à la fois non seulement d’analyser, de quantifier, de monitorer l’étalement urbain et son évolution au cours des dernières années, mais aussi d’analyser l’ensemble des outils qui peuvent être mis en œuvre pour réaliser l’équilibre que j’évoquais il y a quelques instants.
Nous n’avons pas du tout l’intention d’être à cet égard subitement d’un autoritarisme déplacé, d’aller exproprier les gens, d’aller créer un certain nombre de drames familiaux et humains, pas du tout. Au contraire, nous pensons qu’il est possible de mobiliser. C’est en cela que je soulignais le travail d’Inter-Environnement Wallonie positivement, à la fois la conviction de nos concitoyens, les villes, les communes, les intercommunales, les partenaires associatifs et aussi la Région wallonne, pour atteindre ces objectifs. Par ailleurs, vous l’avez justement souligné, le plan de secteur est un plan obsolète, créé, imaginé fin des années 60-70, début des années 80. Aujourd’hui, il est en décalage assez fort par rapport aux réalités, aux besoins et aux impératifs que nous nous sommes fixés et que notre société s’est fixé. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu d’étudier le fait soit de remplacer cet outil plan de secteur, soit d’en actualiser pour les plus obsolètes ou les plus anciens d’entre eux les éléments constitutifs. C’est un immense chantier qui attend le Gouvernement, le Parlement, votre serviteur. Ce chantier est à la mesure de ce que la société attend de nous dans le cadre de cette relation au territoire. Le premier article du CoDT – et il y a ici des ministres honoraires de l’Aménagement du territoire – indique que : « l’espace, le territoire, c’est le patrimoine commun de la société », mais il est évidemment décliné à travers un certain nombre d’aspirations, de propriétés et de situations personnelles. C’est ce challenge extraordinaire auquel je travaille tous les jours. Je suis très heureux que l’on m’ait confié la tâche d’être un des artisans, un des ouvriers du redéploiement de notre aménagement du territoire.