Question de Rachel Sobry à Valérie De Bue, Ministre de la Fonction publique, de l’Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière: “Le tourisme wallon à l’heure de la Covid-19 et de sa deuxième vague”
Rachel Sobry (MR) – L’Organisation mondiale du tourisme a récemment publié des chiffres relatifs aux huit premiers mois de l’année. Sans surprise, une baisse d’environ 70 % a été subie par le secteur du tourisme à l’échelle mondiale. Les mois de juillet et août, considérés comme haute saison dans l’hémisphère nord, sont les plus impactés avec une chute allant jusqu’à plus de 80 % par rapport aux années précédentes. La perte financière liée à la baisse de tourisme est estimée globalement à 730 milliards de dollars, soit plus de 8 fois la perte occasionnée lors de la crise financière de 2009.
Ces chiffres, aussi vertigineux soient-ils, sont globaux et l’impact de la crise sur le tourisme mérite d’être analysé localement. Ainsi, la Wallonie s’est adaptée durant la crise sanitaire et durant l’été dernier. Beaucoup de touristes plus « locaux » ont visité notre belle région. Un grand nombre de Wallons qui avaient l’habitude de partir en Espagne, en France ou vers d’autres destinations plus lointaines, ont préféré rester en Belgique et visiter les nombreux sites et lieux attrayants de Wallonie.
Alors que les vacances de Toussaint viennent de se terminer et que les activités et les possibilités de séjours étaient particulièrement limitées et encadrées, faire le point semble opportun.
Quels constats peuvent être tirés par rapport aux pertes des mois d’été ? Sont-elles aussi importantes, toute proportion gardée, que celles observées à l’échelle mondiale ?
Le secteur continue-t-il de s’adapter aux conditions sanitaires particulières et est-il suffisamment aidé pour y parvenir ?
Les vacances de Toussaint ont-elles permis au secteur touristique d’obtenir quelques rentrées financières malgré cette deuxième vague ?
Quelles sont les perspectives futures, notamment pour les vacances de Noël ?
Valérie De Bue, Ministre de la Fonction publique, de l’Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière – Depuis le début de la crise sanitaire, l’Observatoire wallon du Tourisme (OwT) a été sollicité afin d’évaluer l’impact de la Covid tant sur la fréquentation que sur les retombées économiques du secteur. Il a également mis en place une veille spécifique « coronavirus » afin d’informer les opérateurs touristiques de l’évolution de la situation.
Dans ce cadre, l’OwT a procédé à des estimations du manque à gagner en termes de chiffre d’affaires que les industries du tourisme ont subi en 2020, basées sur les données fournies par les entreprises lors de leurs déclarations périodiques à la TVA.
Au troisième trimestre 2020, comprenant les mois d’été :
– le manque à gagner en termes de part du chiffre d’affaires liée à l’activité touristique est de 223 millions d’euros ;
– ceci représente 36,6 % du chiffre d’affaires lié au tourisme attendu pour ce trimestre.
La situation du tourisme wallon au troisième trimestre est donc plus favorable que celle indiquée par l’Office mondial du Tourisme pour la période estivale de juillet et août.
Le bilan positif de l’été au niveau wallon n’a cependant pas permis, comme je l’ai déjà indiqué, de compenser les pertes subies précédemment par le secteur. Au deuxième trimestre, lors du premier confinement, ce manque à gagner était estimé à près de 80 % du chiffre d’affaires attendu lié au tourisme.
Le manque à gagner a donc fortement diminué entre le deuxième et le troisième trimestre même s’il reste important.
Il est également utile de faire une distinction entre les industries du tourisme qui dépendent essentiellement du tourisme intérieur (comme les hébergements) et celles qui dépendent essentiellement des voyages à l’étranger (comme les agences de voyages) :
– le manque à gagner du chiffre d’affaires attendu pour les industries du tourisme qui dépendent essentiellement du tourisme intérieur est de 20 %;
– le manque à gagner du chiffre d’affaires attendu pour les industries du tourisme qui dépendent essentiellement des voyages à l’étranger est de 79 %.
Au niveau des nuitées des touristes internationaux, la baisse en Wallonie est de 33 % entre les mois de juillet 2019 et 2020. C’est nettement moins que la tendance au niveau mondial rapporté par l’OMT que l’honorable membre évoquait dans sa question. Cette baisse des nuitées des touristes internationaux est par ailleurs compensée en partie par l’augmentation du tourisme domestique puisque le nombre de nuitées des touristes belges a augmenté de 30,8 % entre juillet 2019 et 2020.
Concernant les vacances d’automne, l’Office wallon du Tourisme ne dispose pas à ce stade des résultats et de l’impact des mesures sanitaires sur le secteur touristique.
Si la Fédération des gîtes de Wallonie a indiqué que le taux d’occupation des hébergements de terroir était de 75 % lors de la semaine de congé et de 50 % pour la semaine suivante, ce qui semble indiquer que les petites structures n’auraient pas enregistré trop de désistements suite aux nouvelles mesures, il faudra toutefois compter avec un impact conséquent lié à l’arrêt, décidé par les Comités de concertation des 29 octobre et 2 novembre, de l’ensemble du secteur.
Enfin, pour les perspectives relatives au quatrième trimestre et à la fin de l’année, l’OwT a procédé à des projections du manque à gagner en termes de chiffre d’affaires que les industries du tourisme subiront suite à la baisse de l’activité touristique. Celles-ci sont basées sur des hypothèses liées aux mesures prises aux niveaux wallon et fédéral.
Pour la part du chiffre d’affaires liée à l’activité touristique, d’après ces projections, le manque à gagner pour les industries du tourisme serait de 240 millions d’euros pour le quatrième trimestre 2020 (qui couvre les vacances d’automne et d’hiver) soit 47 % du chiffre d’affaires lié au tourisme attendu lors de ce trimestre. L’impact serait donc plus faible qu’au cours du premier confinement, ce qui est cohérent avec les analyses de l’Economic Risk Management Group fédéral.
Pour ce qui concerne les mesures de soutien aux opérateurs :
– le Gouvernement a adopté les mesures de soutien, sur proposition de mon collègue Willy Borsus, afin de soutenir les secteurs fermés et particulièrement impactés par la crise. Ces aides concernent notamment les parcs d’attractions, le secteur HORECA – en ce compris les hébergements et les opérateurs touristiques disposant d’un code NACE correspondant à cette activité – les Agences de voyages et les autocaristes ;
– de plus, le Gouvernement a mis en place un dispositif pour les ASBL qui exercent une activité économique. Comme pour les entreprises, le dispositif distingue les ASBL actives dans les secteurs impactés par la crise et celles actives dans les secteurs complètement fermés ;
– le Gouvernement a également adopté, sur ma proposition, une nouvelle vague de mesures de soutien à destination du secteur touristique. Ces mesures concernent :
– un soutien à l’ensemble des attractions touristiques autorisées pour le maintien en l’état de leurs infrastructures, compte tenu de l’impact des mesures des contingentements et des fermetures. Il s’agit d’une aide à hauteur de près de 800 000 euros au total ;
– un soutien aux hébergements de tourisme social pour un montant de près de 400 000 euros ;
– pour ce qui concerne les gîtes de grande capacité, je suis particulièrement sensible à leur situation puisque ceux-ci sont en effet plus durement touchés par la limitation des contacts sociaux. C’est pourquoi, en concertation avec le Commissariat général au Tourisme, il a été décidé d’octroyer une aide de 2.500 € aux gîtes de plus de 10 lits, et ce pour un total de 1,2 million d’euros ;
– ce seront donc près de 2,4 millions d’euros qui seront employés à soutenir le secteur du tourisme d’ici la fin de l’année.
Par rapport à l’annulation des marchés de Noël, plusieurs opérateurs ont signalé leur volonté de proposer l’organisation d’événements alternatifs qui permettront de rencontrer les impératifs sanitaires.
Notre secteur est fort et résilient. Il a déjà fait preuve cet été de créativité afin de s’adapter aux mesures mises en place. Nul doute qu’aujourd’hui encore le secteur aura la faculté de s’adapter et de proposer des organisations alternatives, et celles-ci seront bien entendu soutenues et encouragées.
Au-delà de ces mesures de soutien nécessaires pour le secteur en cette fin d’année, nous travaillons également à envisager la saison 2021 et la reprise à venir du secteur.