Question écrite de Madame Rachel Sobry à BORSUS Willy, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences sur ” L’électricité comme alternative à certains herbicides en agriculture“
Monsieur le Ministre,
La culture de pommes de terre requérait jusqu’il n’y a pas si longtemps, un traitement à base de produits phytosanitaires pour arrêter la croissance du tubercule et permettre de ne recueillir que celui-ci. Dans le cadre du Green Deal européen, l’utilisation de ces produits est largement limitée.
De nouvelles techniques voient alors le jour afin de proposer des alternatives aux agriculteurs. L’an dernier, j’avais parlé à Monsieur le Ministre du « sniper des champs » ou spot-spraying, cette technique qui permet d’utiliser une quantité de désherbant minime grâce à des capteurs et des buses qui visent exclusivement les mauvaises herbes.
Le géant australien Nufarm s’est associé à l’entreprise allemande crop.zone pour mettre au point un appareil tracté qui est capable, grâce à des balais d’anodes et de cathodes, de transmettre une décharge électrique suffisante pour détruire le système vasculaire de la pomme de terre. La décharge est précédée d’une pulvérisation d’électrolyte liquide qui améliore l’électrification de la plante.
La culture de pommes de terre étant très répandue dans notre pays, il s’agit d’une technique alternative de défanage qui pourrait devenir importante à l’avenir. D’après les informations en ma possession, des tests ont eu lieu aux Pays-Bas et en Belgique l’an dernier et une commercialisation est attendue en 2023.
Alors que la Déclaration de politique régionale prévoit que le Gouvernement soutienne l’agriculture durable qui vise à assurer une production pérenne de nourriture en respectant les ambitions écologiques, économiques et sociales qui assurent la maintenance dans le temps de cette production, j’ai plusieurs questions à adresser à Monsieur le Ministre.
A-t-il pris connaissance de cette nouvelle technique agricole ?
Quelle est sa position quant à celle-ci ?
La Wallonie soutient-elle le développement de ce type de procédé ? Comment ?
Les essais qui ont eu lieu en Belgique ont-ils été faits en Wallonie ?
Réponse de Monsieur le Ministre Borsus Willy
De nombreuses nouvelles techniques voient le jour afin de proposer des alternatives à l’usage de produits phytosanitaires. Le défanage par électrocution en est une et des entreprises européennes ont aussi déjà mis au point des machines permettant de la mettre en œuvre. Au-delà du défanage, une autre application intéressante est la destruction des plantes adventices par électrocution.
Ces techniques sont d’un intérêt important et ont été largement étudiées par le CRA-W dans le cadre de projets divers dont notamment la recherche d’alternatives au glyphosate. Je livre une liste des essais réalisés par le CRAW avec la technique du désherbage électrique.
Dans le cadre d’un projet relatif aux Contrats de Captage financé par la SPGE, des essais de destruction de Culture Intermédiaire Piège à Nitrate (CIPAN) en Surface d’Intérêt Ecologique (SIE) ont été étudiés. En ce qui concerne la destruction de Mélange Moutarde/Phacélie/Trèfle, les résultats se sont avérés comparables au glyphosate. Toutefois, cette méthode comporte quelques limites : un débit de chantier faible (~3 km/h), une consommation de carburant conséquente (~20-25l/h) et une compaction des sols possible (largeur de travail de 3 m et machine pesant 1 300 kg sur le relevage avant et 900 kg sur le relevage arrière).
Pour ce qui concerne la destruction de différents couverts en culture pure (Graminée, Moutarde, Trèfle, Phacélie, Radis, Pois, Vesce, Seigle, Avoine), un premier test s’est avéré peu concluant, car réalisé en automne sur sol humide donc inadapté au désherbage électrique. Un deuxième test sur sol sec est en cours.
Pour ce qui est du défanage de pomme de terre qui est spécifiquement l’objet de la question. Des essais réalisés au CRA-W ont permis d’obtenir sous certaines conditions une bonne qualité de défanage. Il est d’ores et déjà permis de conclure que cette technique est efficace, mais uniquement sur une végétation sèche et sénescente en fin de culture. Sur une végétation encore bien verte, l’efficacité est réduite, voire insuffisante, et doit être couplée à d’autres moyens préliminaires. Il y a lieu d’ajouter que la qualité de conservation des tubercules reste à vérifier.
Le CRA-W a procédé aussi à des essais de destruction de luzerne. Les résultats se sont avérés non concluants. En effet, le stade de la culture relativement avancé ne favorisait pas la circulation du courant à travers la plante (tiges ligneuses).
Des essais de destruction de repousses après moisson ont aussi été menés. Toutefois, si les résultats ont été bons, il y a lieu de noter que le risque d’incendie est élevé. En outre cela nécessite un travail du sol préalable obligatoire.
Je terminerai en signalant que des essais de désherbage en présemis sur chicorée sont en cours et en livrant quelques autres perspectives d’applications : destruction du vulpin « résistant », désherbage en prélevée de la culture (faux semis), désherbage localisé (possibilité d’éteindre certaines électrodes), combinaison du désherbage électrique avec un autre outil (par ex. : rouleau) pour en améliorer l’efficacité.