Question de Rachel Sobry à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes, sur «l’enquête de Plan international Belgique sur le harcèlement des femmes en rue».
Mme Sobry (MR). – Madame la Ministre, l’ONG indépendante Plan international Belgique a dévoilé, il y a quelques jours, des chiffres frappants par rapport au harcèlement sexuel en rue. C’est un fléau qui concerne majoritairement les femmes. La moitié d’entre elles indiquent carrément prévoir des détours pour éviter de devoir passer seules dans certains lieux.
Au-delà de ce triste constat, d’autres chiffres qui posent questions sont ceux relatifs aux réactions et aux suites qui sont données à ces actes. On apprend en effet que seulement 6 % des victimes vont jusqu’à déposer plainte auprès de la police. Souvent, elles se sentent impuissantes, d’une part parce qu’un classement sans suite de leur plainte leur semble inéluctable, et d’autre part parce qu’en général elles ne peuvent compter sur d’éventuels soutiens de témoins.
À Charleroi, par exemple, 91% des femmes interrogées disent n’avoir pu compter sur l’aide d’aucun témoin. On sait pourtant que la plainte est primordiale, ne fût-ce que pour chiffrer le phénomène, puisqu’on sait que, pour ce problème particulier, le chiffre noir qui concerne les faits non recensés est particulièrement important.
Madame la Ministre, comment peut-on remédier à cette situation ? Comment conscientiser les citoyens, notamment par rapport au rôle crucial du témoin ? Cette thématique étant à l’ordre du jour d’une conférence interministérielle spécifique à ce sujet depuis plusieurs mois, quelles mesures concrètes ont déjà pu en ressortir?
Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. – Madame la Députée, c’est vrai que Jump, en 2016, avait déjà relevé un certain nombre de constats. Vie féminine en 2018, et moi-même, comme députée avec Véronique Bonni, il y a quelques années, nous avions été près des abribus pour interroger les usagers des transports en commun, pour voir s’ils étaient confrontés au harcèlement sexiste dans les transports en commun, et le constat était implacable : 98 % des femmes sont victimes de harcèlement sexiste dans l’espace public.
C’est loin d’être un problème futile. Quand on doit changer de comportement, quand on doit changer, ou que l’on doit être attentif à l’habit que l’on porte, j’ai des amis qui m’expliquent que parfois, dans certains endroits, porter une jupe est un acte militant. Ce n’est évidemment pas acceptable.
Sophie Peeters avait fait un documentaire il y a cinq-six ans. Nous l’avions organisé, Sophie Pécriaux était présente, et certains parlementaires avaient dit : «N’avez-vous rien d’autre de plus intéressant à faire ? », comme si la question de l’appartenance de l’espace public aux hommes et aux femmes était quelque chose de futile. Heureusement, cinq ans plus tard, la question n’est plus de cet ordre-là, tout le monde a pris conscience que ce tabou a pu être levé et que c’est un problème.
Une des premières actions que l’on a menées avec Philippe Henry, c’était de mettre en place une campagne de communication dans les transports en commun qui a été lancée le 8 mars. On devait la lancer avant, mais comme il y a eu le confinement, on l’a reportée. On a travaillé avec le TEC suite à une résolution qui avait été votée par l’ensemble des députés – Mme Ryckmans en était également – pour essayer de donner des outils, notamment aux témoins qui voient qu’il y a du harcèlement sexuel, et de leur expliquer qu’il y a des petits détails qui doivent être actionnés, parce que 8 témoins sur 10 ne réagissent pas.
Si tout le monde réagit, on fera reculer ce phénomène. Je pense que l’on doit plus que le faire reculer, on doit l’anéantir par la législation. Sarah Schlitz au Fédéral va évaluer la loi sur le harcèlement sexuel. Au niveau de la CIM, nous allons aussi faire des projets pour faire en sorte de lancer des appels à projets à hauteur de 200.000 euros pour le secteur associatif dans le harcèlement sexiste, de la même manière que nous allons financer des projets pilotes pour poursuivre les auteurs.
Il faut qu’ils comprennent que, au-delà de l’amende, il y a aussi une prise en charge de leur comportement pour ne pas qu’ils rééditent, et qu’ils aient conscience que ce n’est pas ainsi que l’on envisage les rapports entre les hommes et les femmes.
De la même manière que nous avons travaillé sur le gender mainstreaming au niveau du Gouvernement – j’en termine, Monsieur le Président – au travers d’actions avec le ministre Collignon sur les espaces publics et les aménagements des espaces publics, avec le ministre Henry sur la sécurisation du RAVeL, avec les transports en commun, avec les collègues de la Cocom et de la Communauté française, notamment sur la généralisation qui est impérative dans les cours d’école avec l’éducation à la vie relationnelle et affective.
J’espère que ces mesures feront reculer ce phénomène pour que l’espace public nous appartienne autant qu’aux hommes.