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Les pistes budgétaires en suite de la survenance de la crise sanitaire du Covid-19

3 Juin, 2020

Question orale de Mme Sobry à M. Crucke, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives, sur « Les pistes budgétaires en suite de la survenance de la crise sanitaire du COVID-19 ».  

Mme Sobry (MR). – Monsieur le Ministre, il est clair que la crise actuelle va particulièrement peser en matière de budget dans notre Région et certainement partout ailleurs. Outre les coûts importants engendrés par celle-ci, le manque à gagner sera évidemment énorme. Rappelons que, à l’heure de rédiger la Déclaration de politique régionale, il était question de soutenir le pouvoir d’achat des Wallonnes et des Wallons tout en veillant à n’imposer aucune nouvelle taxe. En outre, certaines mesures fiscales devaient être mises en œuvre, notamment une réduction fiscale forfaitaire sur le précompte immobilier pour l’habitation et une augmentation de l’abattement fiscal sur les droits d’enregistrement pour l’habitation propre et unique.  

Malheureusement, le COVID-19 est venu chambouler le quotidien de tout le monde, celui du Gouvernement wallon également, et d’importants choix budgétaires vont devoir être opérés dans les prochains mois. À ce propos, le secrétaire général de la FGTB, M. Bodson, a récemment fait part, dans la presse, de ses craintes que l’on « saque dans les services essentiels » afin de combler le déficit budgétaire. Ensuite, il a développé plusieurs propositions de pistes budgétaires pour la Wallonie, que je vais rapidement vous formuler.  

Il suffirait de ne pas appliquer la déduction forfaitaire du précompte immobilier qui doit normalement entrer en vigueur en 2021. On pourrait aussi supprimer la réduction de cotisations ONSS pour les travailleurs de plus de 55 ans. Il suffirait aussi de réinstaurer la majoration des droits d’enregistrement à 15 % sur la troisième acquisition immobilière, mesure qui avait été, à juste titre, supprimée par le Gouvernement de M. Borsus. La FGTB nous suggère aussi de réintroduire les anciens taux d’imposition de 52 % et 55 % sur les revenus qui dépassent 6 000 euros brut par mois. On nous propose encore d’introduire une sélectivité dans les primes qui sont accordées par la Région wallonne, en matière d’isolation notamment. Il y a encore la proposition de transformer le subside SESAM, qui permet, je le rappelle, aux jeunes entreprises d’embaucher du personnel en une avance qui serait remboursable. On a la négociation à la baisse des intérêts sur la dette publique wallonne. Je citerai, enfin, la proposition du syndicat de supprimer la déduction fiscale pour les personnes qui ont recours à des travailleurs titres-services.  

Ce sont là de bien belles propositions, mais il n’empêche que, jusqu’à preuve du contraire, le ministre du Budget en Wallonie n’est pas M. Bodson, mais bien M. Crucke.

Dès lors, j’aurais aimé connaître votre position sur les différentes pistes et suggestions que je viens d’évoquer et surtout vous demander quelles sont vos actuelles pistes budgétaires pour l’aprèscoronavirus.

Mr Crucke, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives.– Madame la Députée, je vous avoue que votre question a fait l’objet d’un débat au cabinet entre ce que j’appellerai les frugaux – vous savez, dans les cabinets, il y a des gens que l’on appelle les frugaux, comme certains pays européens – et puis, les libéraux, dont je suis. C’est quand même la piste du ministre qui l’a emporté. Je sens bien votre goût pour la polémique, mais au risque de vous décevoir, je ne vais pas polémiquer. Par question interposée, sur l’avis de la FGTB en la matière, il me semble d’abord normal d’avoir un avis. Qu’un syndicat s’exprime, cela me semble aussi son droit. Je pense que de nombreuses pistes peuvent être émises, commentées et suggérées, chacun en fonction de ses affinités et de ses orientations.  

Puis, Thierry Bodson – vous ne le savez peut-être pas – est en plus un ami. Je n’hésiterai donc pas à converser avec lui, comme avec d’autres syndicats d’ailleurs s’ils m’en font la demande, ni d’ailleurs à les recevoir au cabinet. On peut avoir parfois des avis divergents avec des amis, cela peut arriver, mais cela n’enlèvera jamais la qualité d’ami ni de régionaliste que nous partageons. Je vais par contre, si vous le permettez, éclairer les différentes pistes au regard de la crise actuelle.  

Pour 2020, une bonne partie des dépenses supplémentaires sera éligible à la clause de flexibilité européenne, mais il est quand même certain qu’il y aura un impact structurel, qu’une nouvelle trajectoire budgétaire devra être établie. Ce sera le rôle du Gouvernement d’opérer en temps et en heure les choix lors des budgets à venir. À ce stade – et j’insiste –, aucun service essentiel n’a été « saqué », bien au contraire. D’ailleurs, la récente circulaire de prudence budgétaire immunise les dépenses pour la continuité des services publics du contrôle plus pointu que le Gouvernement s’est imposé. Cela a été une volonté de l’ensemble du Gouvernement d’immuniser ces dépenses, donc éviter le « saquage ».  

Par contre, c’est un élément essentiel pour moi, et vous l’avez déjà compris, puisque je l’ai dit à d’autres reprises, je fais de BBZ en Wallonie un élément majeur de remise en ordre des finances publiques. Cet exercice est à l’opposé de la logique des coupes sombres et linéaires du passé, mais s’inscrit dans une réflexion globale sur la pertinence et l’efficacité de chaque dépense.  

Peut-être un mot plus concret pour les pistes de solutions qui ont été évoquées dans le non paper de la FGTB. Concernant la déduction forfaitaire du précompte immobilier, l’objectif de cette mesure retenue par le Gouvernement dans sa DPR était de rendre justement du pouvoir d’achat aux Wallons. Cela étant, cette mesure n’est pas encore entrée en vigueur, elle ne pourrait donc pas rapporter 100 millions d’euros dès maintenant, comme le précise la FGTB dans son calcul. Je ne sais en réalité pas supprimer ce qui n’existe pas. Concernant la réduction de cotisation pour les travailleurs de plus de 55 ans, ici aussi, il faut une analyse de l’ensemble des mécanismes pour s’assurer que les aides octroyées soient efficientes, efficaces ou cohérentes. Encore une fois, c’est un des rôles du budget base zéro. L’analyse de l’ensemble des aides à l’emploi doit être effectuée pour aider à maintenir et augmenter l’emploi, si possible à terme. Cela relève par ailleurs des compétences de ma collègue, la ministre Morreale, qui, comme vous le savez, a déclaré qu’elle analysait ces dispositifs. Concernant la réintroduction du taux de 52 à 55 % pour les revenus dépassant les 6 000 euros mensuels, c’est un débat qui doit avoir lieu au Fédéral, car on ne peut pas modifier les tranches d’imposition, mais on est uniquement compétent pour les tranches d’impôt au niveau régional. Concernant les droits d’enregistrement sur la troisième acquisition, la mesure a été supprimée il y a deux ans ; j’ai envie de dire pas pour des raisons dogmatiques, mais parce que ce taux supérieur entraînait une diminution des recettes. J’en avais fait la démonstration à l’époque et, aujourd’hui, les recettes en attestent. De plus, ces recettes sont également intégrées, comme vous le savez, au prochain BBZ et permettront donc objectivement d’avoir une discussion sur l’élément.  Concernant les mesures SESAM, on touche ici directement aux indépendants qui sont, me semble-t-il, quand même parmi ceux qui ont été aussi victimes de la crise. Je ne crois pas que ce soit une économie judicieuse, mais la question relève aussi des compétences de mes collègues. Concernant les primes à l’énergie, il y a déjà des coefficients multiplicateurs pour les bas revenus. De plus, quand on sait que 40 % des pertes énergétiques – c’est peut-être l’ancien ministre de l’Énergie qui vous le dit – se font via des ménages privés, je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas inciter tous les ménages à mieux isoler. Cela a une retombée positive sur l’ensemble des ménages.  

Mon rôle en tant que ministre du Budget et des Finances est d’avoir une vue d’ensemble et, en cela, je pense sincèrement que le budget base zéro, l’amélioration de la gestion de la trésorerie et de la dette, des solutions alternatives de financement comme les common bonds, dont j’évoquais tout à l’heure l’existence, ou les crowdlendings sont autant de pistes crédibles qui doivent aider à soutenir les finances publiques. Par les temps qui courent, certains diront que les ultracrépidariens ont encore de beaux jours devant eux. Il faut néanmoins prendre toutes les prises de position comme autant de suggestions, avec le recul nécessaire et de la passion du débat et de la concertation. Je considère que nous ne sortirons pas de la crise par une victoire idéologique d’un camp contre l’autre, mais par une solidarité que j’appellerais renforcée, qui nécessitera des choix courageux et parfois aussi audacieux, par une économie que j’aimerais appeler moderne au service des citoyens, plus que des capitaux, où l’investissement est reconnu et apprécié plus que le dividende aveugle dont l’improductivité se limite parfois trop à une forme surannée d’individualisme.  

Les besoins de la société devront être mieux orientés et les politiques devront oser affronter une efficacité de notre lasagne institutionnelle. Je parle de lasagne institutionnelle entre francophones aussi, parce que c’est toujours très gai de se bagarrer entre l’État fédéral et entités fédérées, mais on doit avoir le courage de nettoyer devant nos portes également. Si vous me le permettez, pour pouvoir également vivre avec une compagne directrice d’un athénée, comment voulez-vous offrir aux enseignants de meilleures conditions de travail, un salaire plus motivant, avec une Fédération qui ne dispose d’aucune recette propre ? Ce clivage entre Fédération et Wallonie devra lucidement être abordé. Je le dis comme je le pense à cet égard, je partage très largement les visions de Thierry Bodson.  

 

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