Question de Rachel Sobry à Christophe Collignon, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville: “L’utilisation des pouvoirs spéciaux durant la Covid-19 par les communes”
Rachel Sobry (MR) – Durant la crise Covid, diverses mesures ont dû être prises afin d’adapter le fonctionnement des institutions. L’arrêté de pouvoirs spéciaux n° 5 du 18 mars 2020 « relatif à l’exercice des compétences attribuées au conseil communal par l’article L1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation par le collège communal” est entré en vigueur le 19 mars 2020. Celui-ci confie les attributions du conseil communal au collège pour une durée de 30 jours à partir du 19 mars 2020 « dans la mesure où l’urgence de son action et l’impérieuse nécessité sont motivées ». Par arrêté du 17 avril 2020, le Gouvernement a prolongé cette période jusqu’au 3 mai 2020.
Les collèges communaux se voient ainsi accorder un pouvoir important, à condition d’être en mesure de motiver l’urgence et l’impérieuse nécessité de leur action.
Il s’agit, cependant, de notions subjectives et relatives. En effet, à partir de quand y a-t-il urgence et impérieuse nécessité ? La logique voudrait qu’il s’agisse de l’exception et que la majorité des points fixés à l’ordre du jour d’un conseil communal ne puissent être considérés comme tels et soient reportés à une date ultérieure.
Il me revient pourtant que certains collèges auraient interprété de façon relativement large ces notions d’urgence et d’impérieuse nécessité dans le cadre de leurs pouvoirs spéciaux. Ainsi, à Beaumont par exemple, le collège a fait passer 14 points sur les 26 programmés au conseil communal du 24 mars 2020.
Le manque de précisions quant aux cas visés par les notions d’urgence et d’impérieuse nécessité est la porte ouverte à tous les abus.
En tant que Ministre des Pouvoirs locaux et dans le cadre d’une bonne gouvernance, Monsieur le Ministre voudrait-il préciser quels étaient les cas d’espèce visés par ces notions ?
A-t-il eu vent d’abus dans certaines communes ?
Christophe Collignon, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville – Je conviens que les notions d’« urgence » et d’« impérieuse nécessité » visées à l’article 1er de l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 5 du 18 mars 2020 peuvent paraître floues à première vue. Il convient toutefois d’admettre que ces notions ne sont pas étrangères à notre arsenal juridique. Elles existent, par exemple, en droit communal depuis bien avant la régionalisation de la loi communale. Si elles sont susceptibles d’interprétation, leurs contours ne nous sont donc pas inconnus.
Dans le cadre de cet arrêté, elles désignaient toutes les situations entravant la continuité du service public ou aggravant l’ampleur de la pandémie de la Covid-19 où le moindre retard pouvait représenter un danger. C’est bien à ce titre qu’une décision immédiate était alors requise pour prendre les dispositions absolument nécessaires qui ne pouvaient attendre la prochaine réunion du conseil communal.
L’appréciation du caractère urgent de ces situations appartenait, en première instance, au seul collège communal. Toutefois, en exigeant que les décisions adoptées en exécution de l’article 1er soient confirmées par le conseil communal dans un délai de trois mois à partir de leur entrée en vigueur, l’article 3 dudit arrêté a permis au conseil de contrôler et d’apprécier, en dernier ressort, la réalité des urgences invoquées par le collège. Sur cette base, chaque conseil communal s’est trouvé en mesure d’identifier les abus d’appréciation éventuellement commis par le collège.
L’autorité de tutelle a effectivement été saisie de quelques recours, introduits par des conseillers communaux soutenant que des abus avaient été commis. Cependant, aucune des instructions menées n’a révélé de situation d’abus manifeste.