Question orale de Rachel Sobry à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes, sur « L’étude de Statbel sur la transmission intergénérationnelle de la pauvreté ».
Rachel Sobry (MR). – Madame la Ministre, selon des chiffres de Statbel, 30 % des personnes ayant grandi dans une famille avec des difficultés financières vivent sous le seuil de pauvreté. Ceux ayant évolué dans un milieu plus aisé ne sont que 7 % à se trouver dans une telle situation. La position sociale des parents influence donc grandement la vie future des enfants. Un constat identique peut être dressé en matière d’éducation où les enfants de diplômés le deviennent eux-mêmes.
Ces chiffres attestent de difficultés à gravir les échelons sociaux, mais il convient de casser cette représentation de transmission génétique de la pauvreté. De nombreux facteurs peuvent éviter une telle transmission : certaines rencontres, certaines expériences, certains investissements publics aussi.
On notera aussi que les filles ont souvent désormais tendance à être plus diplômées ou à avoir un emploi de meilleure qualité que leurs mères, ce qui n’est pas le cas par rapport à leurs pères. Les emplois modestes, à temps partiel, et avec de faibles rémunérations, continuent à être massivement attribués aux femmes. Si une femme provient d’un milieu défavorisé, c’est alors ce que l’on pourrait appeler la « double peine ».
Alors que l’égalité des chances, la lutte contre la pauvreté et les droits des femmes sont d’importantes sections de l’accord de gouvernement, il semble qu’il y ait encore du travail à faire.
L’ascenseur social est-il effectivement « en panne » en Wallonie, comme l’indique Statbel ? Quelle en est votre analyse ? La crise sanitaire aurait-elle renforcé ce constat ? De quelle manière les leviers, dont vous avez la compétence, sont-ils utilisés pour en finir avec ces spirales de pauvreté ?
Concrètement, quelles sont vos actions et avec quels objectifs ?
Avez-vous apporté des modifications dans la note d’orientation du Plan de sortie de pauvreté 2021-2024 ?
Comment permettre aux femmes d’être plus égales aux hommes, dans ce domaine également ?
Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. – Madame la Députée, les conclusions de cette étude ne sont pas étonnantes et confirment les profondes inégalités qui minent notre société. La crise n’a fait qu’accentuer cette tendance, elle a mis en lumière de profondes fractures. Les personnes les plus vulnérables ont été touchées par la crise. On peut citer par exemple les femmes à la tête de familles monoparentales, les travailleurs à temps partiel aux contrats précaires qui sont d’ailleurs généralement des femmes aussi, les jeunes qui ne peuvent pas suivre leurs cours correctement à la maison.
La Wallonie dispose de nombreux leviers pour lutter contre la précarité. Ceux que l’on a adoptés démontrent d’ailleurs la détermination du Gouvernement d’agir en la matière. J’ai inscrit plusieurs mesures qui permettront de lutter contre la précarité, la reproduction des inégalités dans le Plan de relance. Je pense notamment à l’aide aux familles monoparentales avec la création de guichets d’accompagnement spécialisé.
Quand je dis que l’on dispose de nombreux leviers, je pense surtout que l’on en dispose de manière résiduaire, mais que l’on prend nos responsabilités pour essayer d’agir non pas en amont, mais en aval en développant notamment des outils d’intégration pour les personnes les plus éloignées de l’emploi avec, entre autres, la réforme du dispositif article 60 et l’agrément de nouvelles filières de formation dans le secteur de l’insertion socioprofessionnelle. La note d’orientation du Plan sortir de la pauvreté qui s’applique pour 2020-2024 accorde une attention particulière à la prévention du basculement dans la pauvreté, car l’on se rend compte qu’une fois que l’on y est, c’est très compliqué d’en sortir, mais aussi un point focus sur la prévention des enfants et des familles monoparentales.
Pour ce qui concerne les éventuelles modifications à la note, vous le savez, c’est le Ministre-Président qui coordonne et il faut donc voir avec lui comment le faire, j’en discute aussi assez régulièrement. Pour le Plan genre au travers duquel l’ensemble des ministres s’est engagé dans chacune de leurs compétences à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes, je crois que cela permettra aussi de lutter contre la précarité qui peut toucher plus particulièrement les femmes. Il n’y a pas une baguette magique pour sortir de la précarité sans quoi cela se saurait. Par contre, il est évident que la crise sanitaire a mis, sinon un coup de frein, un coup d’accélérateur sur la précarité.
Toutes les mesures qui peuvent être mises en place, notamment aux mesures prises par le FOREm pour les personnes qui perdaient leur emploi et tombaient dans la précarité. Essayer d’avoir des suivis spécifiques dans les 72 heures en proposant des offres d’emploi différentes pour leur permettre de rebondir rapidement sont autant d’éléments qui doivent être pris rapidement pour éviter que l’on retombe dans cette escalade de pauvreté, dans lequel il est difficile de sortir.
Nous avons aussi des initiatives inspirées de pays voisins ; je pense notamment aux territoires « zéro chômeur longue durée», parce que sur le plan personnel, je crois beaucoup à l’émancipation par le travail et qu’il n’y a rien de pire que de tomber dans l’inactivité, de se sentir inutile, de ne pas s’investir dans des activités et que c’est aussi le départ d’une dévalorisation personnelle de problèmes de santé, de santé mentale, parfois de délinquance, de problèmes de santé en général, qui peuvent subvenir.
Le type de projet avec les territoires « zéro chômeur longue durée » et les expérimentations que l’on va mener sur l’ensemble de la Wallonie sont aussi des expériences qui semblent avoir porté leurs fruits en France et que l’on va, à la sauce wallonne, développer dans les prochains mois et assez rapidement, je l’espère.